Pour redonner une nouvelle jeunesse à cette institution fondée il y a 76 ans au bord de la baie de Guanabara, au coeur d'un parc qui portera plus tard le nom de Flamengo, il aura fallu 7 millions de dollars et une année entière de planification et de travaux minutieux. Chaque espace, chaque détail a été repensé : de l’architecture du bâtiment principal, le ‘Bloco Escola’, aux subtils jeux de lumières, en passant par la restauration des jardins et la redéfinition de la promenade publique qui l'entoure.
Sous la houlette d'architectes fidèles à l'esprit moderniste d’Affonso Eduardo Reidy (1909-1964), le musée renaît comme un espace de création au-delà de la pierre et du béton, où l’art sert de toile à un dialogue stratégique entre Chefs d’État et où la pensée trouve sa pleine expression, tout comme les œuvres qui ornent ses murs.
C’est dans cet esprit que près de 60 délégations, dont plus de 40 chefs d’État, se retrouveront au Musée d'Art Moderne de Rio les 18 et 19 novembre pour des discussions de haut vol.
Sous la présidence du Brésil, les dix-neuf grandes économies mondiales, l’Union européenne et l’Union africaine aborderont des enjeux aussi cruciaux que la refonte de la gouvernance mondiale, le développement durable, et la lutte contre la faim et la pauvreté.
Pour Yole Mendonça, la directrice exécutive du musée, ce sommet offre l’opportunité de dévoiler l’âme artistique du Brésil au monde entier. "Riche de plus de 16.000 œuvres, cette collection d’art moderne et contemporain est l’une des plus prestigieuses d’Amérique latine. Un aperçu qui révélera l’essence même du Brésil, où des grands maîtres de la peinture côtoient les grands noms de la photographie", explique Yole, fraîchement nommée à la tête de l'institution.
Si les carreaux ocres de la façade captivent le regard, tout comme les vastes baies vitrées qui offrent une vue dégagée sur le Guanabara, c’est dans les jardins que la métamorphose du musée s’accomplit.
Le célèbre "Jardim das Ondas", chef-d'œuvre méconnu de Roberto Burle Marx (1909-1994), semble avoir retrouvé sa splendeur d’antan, après avoir sombré dans l’uniformité d’un banal gazon. Restaurer ces jardins n’a pas été une mince affaire : il a fallu reconstituer la richesse floristique originelle en réintroduisant une profusion d'espèces telles que l’Abricot des singes, le majestueux Tallipot ou encore le Palmier royal et certains Broméliacées. L’ambition ? Redonner à chaque palmier, à chaque courbe, à chaque miroir d’eau, l’émotion qui les a vus naître.
"Chaque projet historique porte une signature; toute revitalisation doit en préserver l’héritage", dira Isabela Ono, directrice de l'Institut Burle Marx, fondé pour préserver l’héritage de ce paysagiste brésilien aux éternelles lunettes, dont l'exubérance tropicale continue d'essaimer, bien au-delà des frontières brésiliennes.
Si l’on connaît le génie de Burle Marx pour les pavés ondulants le long de la plage de Copacabana ou encore sa complicité avec Oscar Niemeyer et Lúcio Costa dans la création de la capitale Brasilia en 1960, l’étendue de son œuvre reste encore méconnue : il aurait conçu plus de trois mille jardins à travers le monde, infusant à l’art paysager la luxuriance tropicale brésilienne.
"Restaurer un jardin requiert une sensibilité aiguë, le respect du concept initial qui transcende la simple esthétique", souligne cette architecte dont le bureau a été mandaté pour superviser la restauration.
Les abords du musée ont également été repensés pour créer un lieu de déambulation harmonieux : un nouveau boulevard, agrémenté de pistes piétonnes et cyclables, relie désormais le musée à des points stratégiques tels que la salle de concert Vivo Rio ou l’aéroport Santos Dumont.
Pour l'heure, les portes du musée demeurent closes, réservées aux hôtes d’exception le temps du sommet. Ce n’est qu’après le G20 que le public pourra de nouveau s’imprégner de cette atmosphère.
"La réouverture complète est prévue pour janvier 2025", comme l'a confirmé le maire Eduardo Paes, saluant un projet titanesque qui "laissera un héritage durable du G20".
Dans à peine six jours, les chefs d'État se retrouveront à l’abri des regards. Peut-être, au détour d'un échange diplomatique ou d'une poignée de main solennelle, certains s’accorderont-ils un moment de répit pour admirer la poésie des lieux, où l'art et la nature seront le refuge d'un dialogue universel. A coup sûr, Reidy et Burle Marx, dans l’au-delà, s’en verront ravis !