Réunis lors d’un colloque organisé en partenariat avec le Policy Center for the New South, dans le cadre de la 45e édition du Moussem culturel international d'Assilah, placée sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, les experts ont dressé un état des lieux des normes en vigueur ou en cours d’étude visant à réguler le développement de l’IA, en vue d’accompagner le développement économique et social du continent tout en évitant les dérives que peuvent causer ces technologies.
S’exprimant lors du colloque, organisé sous le thème "Intelligence artificielle : quelle gouvernance en Afrique à l'ère de la digitalisation ?", l’enseignant chercheur en Transformation Digitale et Intelligence Artificielle, Smail Tigani, a indiqué que l’IA vise à créer des systèmes capables de simuler des processus cognitifs humains tels que l'apprentissage, la résolution de problèmes, la reconnaissance de formes et la prise de décisions, contrairement à la robotique qui cherche à simuler les mouvements mécaniques et physiques.
"Aujourd'hui, l'IA connaît une croissance exponentielle et pourrait menacer de nombreux emplois en raison de son efficacité et de sa capacité à remplacer une main-d'œuvre à moindre coût, capable de travailler sans interruption", a-t-il ajouté, soulignant l'importance d'une régulation pour prévenir tout excès et encadrer son développement.
Dans une déclaration à la MAP, Akram Zaoui, spécialiste en relations internationales au sein du Policy Centrer for the New South, a pour sa part, mis en exergue le potentiel transformateur de l’intelligence artificielle (IA) sur l'économie, notamment dans les pays avancés comme les États-Unis et la Chine, rappelant toutefois, le retard du continent africain dans ce domaine, l’exposant à un risque de dépendance technologique.
Malgré ce retard, a-t-il relevé, l'IA représente une opportunité pour l'Afrique, surtout si des formations adéquates sont mises en place, permettant d'améliorer des secteurs clés comme les services publics et les politiques publiques.
M. Zaoui a également soulevé les questions de gouvernance et de protection des données liées à l'IA, qui utilise ces données pour améliorer ses performances et créer de la valeur pour les entreprises, mais expose les citoyens à des risques de confidentialité, insistant sur la nécessité de réguler l'usage de l'IA dans des domaines sensibles comme la santé, l'éducation et la justice, afin que les États puissent suivre l'évolution rapide de la technologie et en encadrer l'utilisation de manière responsable.
Raja Bensaoud, spécialiste en affaires et droit numérique, a de son côté, mis en avant l'importance de la gouvernance mondiale de l'IA, particulièrement en Afrique, soulignant que plusieurs initiatives, notamment des recommandations d'Organisations non gouvernementales, à l’instar de l’UNESCO, de l’OCDE et d’autres, tentent de créer des normes et standards pour encadrer cette technologie.
La régulation peut également être perçue comme un levier stratégique, qui pourrait donner un avantage et une influence importante pour les pays à l’échelle internationale, a-t-elle ajouté, évoquant le cas des Etats-Unis, dont l'enjeu est de maintenir leur leadership en créant un cadre favorable au développement de leurs entreprises d'IA, tandis que l'Union européenne cherche à protéger ses citoyens et à éviter toute hégémonie américaine dans ce secteur.
En Afrique, diverses initiatives ont vu le jour pour tenter de définir une régulation adaptée aux spécificités du continent, avec pour objectif, de parvenir à un consensus continental permettant de résoudre des problématiques telles que la protection des données et la sécurité des systèmes d'IA, a poursuivi Mme. Bensaoud, soulignant qu’avec la mise en place d’une réglementation claire, les pays africains pourraient maximiser les bénéfices de l'IA tout en minimisant les risques et les dérives possible, en garantissant des systèmes fiables et sûrs qui favorisent le développement en Afrique.
Au programme de cette édition de l'Université ouverte Al-Mouatamid Ibn Abbad figurent un colloque sous le thème "Valeurs de la justice et des systèmes démocratiques" (25-26 octobre), ainsi qu’un colloque, organisé en partenariat avec le Policy Center for the New South, sur l'"Inclusion culturelle et réduction des inégalités dans l’utilisation des ressources culturelles" (28 octobre).
En plus de ces colloques scientifiques, un hommage sera rendu à l'écrivain, romancier et poète marocain Mohamed Achaâri, ancien ministre de la Culture (30 octobre), dans le cadre de l'espace de la "Tente de créativité", avec des témoignages qui seront présentés par plus de 20 universitaires, académiciens et hommes de lettres marocains et arabes.