Lors de ce colloque, organisé dans le cadre de la 38è session de l’Université ouverte Al-Mouatamid Ibn Abbad, qui se tient dans le cadre de la 45e édition du Moussem culturel international d'Assilah, placé sous le Haut Patronage de SM le Roi Mohammed VI, les intervenants ont souligné que les élites arabes constituent un pont entre les pays d'origine et les pays d'accueil, capable de combler le fossé culturel résultant des différences civilisationnelles et religieuses.
S'exprimant à l'ouverture de cet événement, le secrétaire général de la Fondation du Forum d'Assilah, Mohamed Benaissa, a souligné que ce colloque est une occasion de mettre en lumière le rôle des élites arabes expatriées à travers trois axes: l'évaluation de l'expérience des communautés arabes en immigration, les répercussions de la présence arabe à l'étranger sur les grandes causes arabes, et l'avenir de ces communautés arabes en Occident.
"Ces vingt dernières années, la mobilité à travers le monde s'est intensifiée d'une manière inédite dans l'histoire, notamment avec la diffusion des concepts de libertés et de droits de l'Homme, ainsi que grâce à la disponibilité des moyens technologiques et la baisse des coûts des voyages", a-t-il noté.
Pour sa part, la professeure à l'Université Paris 8, Katia Ghosn, a évoqué la situation des élites culturelles et intellectuelles arabes en France ces dernières années, indiquant que ces élites, plus que celles dans les domaines politique et économique, jouent un rôle clé dans la représentation des pays arabes et la production de savoir sur leurs pays d'origine, précisant qu'il s'agit d'un segment d'intellectuels qui n'ont pas rompu leurs liens avec leur pays d'origine, toujours présent dans leurs œuvres intellectuelles, littéraires et académiques.
Elle a, par ailleurs, relevé que ces élites font face à plusieurs défis, parmi lesquels l'étiquette généralisante de "l'arabe", bien que les cultures arabes soient hétérogènes et distinctes d'un pays à l'autre, ainsi que la domination des orientations politiques et culturelles du pays d'accueil sur la culture des expatriés, la réduction de l'espace d'expression de l'appartenance culturelle, en raison de certains événements récents, ainsi que la "crise d'identité" ressentie par certains intellectuels vis-à-vis de leur pays d'origine.
"Les élites académiques et culturelles sont les seules à offrir une image positive des élites arabes en immigration contraire aux stéréotypes dominants", a-t-elle expliqué, appelant les pays arabes à créer des conditions favorables pour tirer pleinement profit de ces compétences.
De son côté, l’ancien ministre des Affaires étrangères de la Libye, Mohamed Al-Hadi Al-Dairi, a souligné que les défis d'intégration des élites arabes en immigration se posent tant pour les sociétés d'accueil que pour les pays d'origine, en mettant en avant l'expérience de la communauté libanaise qui a réussi à s'intégrer de manière significative dans plusieurs pays à travers le monde.
Il a, en outre, mis en garde contre la situation dans laquelle se trouvent certaines communautés arabes en raison du racisme, de la marginalisation, des associations avec le terrorisme et de la discrimination, soulignant que cette situation est en train de s'aggraver avec la montée des forces politiques de droite dans plusieurs pays européens, qui adoptent généralement des positions hostiles envers les migrants.
Quant à l'écrivain et critique Ahmed El Madini, il a abordé la migration inverse d'une partie de l'élite arabe hautement qualifiée résidant dans des pays européens, notamment en France, vers d'autres pays ou leur pays d'origine, à la recherche d'horizons plus ouverts pour exprimer leur appartenance culturelle et religieuse, faisant savoir que les raisons de cette migration inverse sont dues aux transformations générationnelles et idéologiques, qui ont ébranlé les principes de liberté et les valeurs d'égalité, en particulier avec la montée des forces de droite et du nationalisme.
Au programme de cette édition de l'Université ouverte Al-Mouatamid Ibn Abbad figurent d'autres colloques sous les thèmes "Mouvements religieux et scène politique: quel sort?" (21-22 octobre) et "Valeurs de la justice et des systèmes démocratiques" (25-26 octobre), ainsi que deux colloques en partenariat avec le Policy center for the new South, l'un sur "Intelligence artificielle: quelle gouvernance en Afrique à l'ère de la digitalisation?" (23 octobre) et l'autre sur "Inclusion culturelle et réduction des inégalités dans l’utilisation des ressources culturelles" (28 octobre).