Les observateurs des affaires parlementaires attendent avec beaucoup d’intérêt cette rentrée législative, compte tenu de l'importance des projets de loi qui seront soumis aux deux Chambres du Parlement. Ces projets de lois feront l'objet de débats intenses entre les différents acteurs politiques, syndicaux et professionnels représentés au Parlement, et seront suivis par une large frange de la société.
Parmi les textes les plus attendus, figurent le projet de loi organique fixant les conditions et les modalités de l'exercice du droit de grève, le projet de loi relatif à la procédure pénale et celui relatif à la procédure civile qui a été approuvé par la Chambre des Représentants et sera examiné à la Chambre des Conseillers, en plus du chantier législatif lié à la réforme des systèmes de retraite.
Outre cet agenda à caractère social, figure l’examen du projet de loi de finances qui, selon la circulaire du Chef du gouvernement adressée aux départements ministériels, fixe quatre grandes priorités qui reflètent les orientations du gouvernement. Il s’agit de poursuivre le renforcement des fondements de l’Etat social, consolider la dynamique de l'investissement et de la création d'emploi, continuer la mise en œuvre des réformes structurelles et maintenir la soutenabilité des finances publiques.
Dans sa lecture du contexte de la rentrée parlementaire, Mohamed Zineddine, professeur de droit constitutionnel et sciences politiques à l'Université Hassan II de Casablanca, estime qu'elle sera "exceptionnelle" cette année pour de multiples considérations, dont la plus importante est l'ampleur et la nature de l'agenda législatif qui pèse aussi bien sur le gouvernement que sur le parlement, expliquant qu’il s’agit de projets de lois "structurants pour la société marocaine dans les années à venir".
Il a ajouté, dans une déclaration à la MAP, que le Gouvernement et le Parlement seront confrontés à un défi évident, qui se manifestera par l'accélération du rythme des chantiers de développement lancés par le gouvernement, plus particulièrement le chantier de généralisation de la protection sociale, poursuivant que cette question sera traitée selon l'approche de l’Etat social qui vise à faire adhérer plusieurs catégories sociales, tout en maintenant l’approche libérale adoptée par le Maroc depuis l’indépendance, ce qui place le gouvernement devant une "équation difficile".
En plus de ces enjeux, M. Zineddine a indiqué que cette rentrée parlementaire sera caractérisée par l'élargissement du débat et l'adoption de nombreuses lois qui encadrent la vie des générations futures, comme le code de la famille, le code de procédure pénale, la réforme des systèmes de retraite, et les décrets et lois relatifs au chantier de la protection sociale, considérant que la nature de ces lois requiert de la part du gouvernement, en dépit de la majorité dont il dispose et qui lui permet de faire passer des projets de lois, une ouverture sur les différents acteurs concernés, dont les syndicats et les fédérations professionnelles.
Il a poursuivi que le principal aspect de la rentrée parlementaire consiste en la prise en compte par le gouvernement et le parlement des échéances électorales de 2026, et ce qu’elles imposent en termes de valorisation des acquis réalisés et d'accélération du traitement de certaines questions fondamentales, telles la sécurité alimentaire et l'emploi, notamment au profit des jeunes.
D'autre part, M. Zineddine a noté qu'au cours de l'année écoulée, le Maroc a réalisé de nombreux acquis diplomatiques importants sous la conduite de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, comme en témoigne le soutien massif à l'initiative d'autonomie dans les provinces du sud du Royaume, surtout après le soutien de la France à la souveraineté du Maroc sur son Sahara et la grande signification de cette décision de la part d’un acteur international de grande importance, affirmant que le Parlement est appelé à accompagner cette dynamique à travers une diplomatie parallèle efficace et efficiente.
Concernant la coïncidence de la rentrée législative avec l'adoption du code de déontologie parlementaire à la Chambre des Représentants, le professeur Zineddine a estimé que ce code s'inscrit dans le cadre des efforts visant à instaurer une culture politique sensible à l’éthique devant encadrer le travail législatif dans son sens noble, en s’appuyant sur les règles de transparence et de gouvernance et fixant les limites de l’immunité parlementaire de manière générale, tout en évitant les conflits d’intérêts.
Dans ce contexte, il a mis l’accent sur "la nécessité du renforcement de l'image du Parlement auprès de l'opinion publique nationale, comme un pas essentiel pour rétablir la confiance dans le travail législatif", estimant que "le code d'éthique, malgré son importance, demeure insuffisant dans la mesure où les partis politiques doivent assumer leur responsabilité et leur rôle dans la mise en oeuvre du contenu de ce code à travers l’encadrement, l’accompagnement et le choix des candidats’’.
S’agissant de la production législative, l'universitaire a attiré l’attention sur le manque notable de propositions de loi aux dépens de projets de loi, d’où la prédominance de la production législative d’origine gouvernementale sur la production d’origine parlementaire, notant qu'il s’agit là d’un phénomène qui a "des raisons subjectives et objectives dont souffre le Parlement avec ses deux Chambres".