"Démocratie" est le slogan choisi par le président Luiz Inacio Lula da Silva pour célébrer un passé glorieux, au moment où son rival et prédécesseur Jair Bolsonaro, toujours influent dans le paysage politique brésilien, profite de l'occasion pour galvaniser ses partisans, exacerbant les tensions dans un contexte déjà fragile et ultra-polarisé.
"C’est le jour de la célébration de l'indépendance du Brésil. C'est aussi le bon moment pour célébrer la démocratie. Aucun pays n’est en fait indépendant sans le plein exercice de la démocratie", a souligné Lula dans un message vidéo diffusé la veille de la fête nationale, alors que le géant latino-américain se prépare pour les élections municipales le mois prochain.
"La démocratie va au-delà du vote le jour des élections. C’est se battre pour les droits.(...) C'est le débat entre les opinions divergentes qui composent la société. La démocratie, c'est le dialogue, c'est la coexistence civilisée entre les protagonistes. C'est le respect de la volonté de la population librement exprimée dans les urnes", a ajouté le président de gauche.
"Dans les moments décisifs de l'histoire, la défense de la démocratie est capable d'unir les adversaires de longue date. Il en était ainsi dans la formation de l'alliance pour assurer la gouvernabilité du pays, après les élections de 2022", a-t-il dit, faisant référence à la coalition politique entre démocrates pour faire face à la "tentative de coup d'État" le 8 janvier 2023, lorsque la place des Trois-Pouvoirs à Brasilia, où se trouvent le Congrès national, le Palais du Planalto et le Tribunal suprême fédéral, a été envahie par les partisans de son rival.
Plus de deux ans après son départ du pouvoir à la fin 2022, l'ancien dirigeant d'extrême droite a incité ses partisans à boycotter les cérémonies officielles et appelé à des manifestations l'après-midi dans la mégapole économique Sao Paulo, sur l’avenue Paulista où s’alignent banques, musées et lieux de pouvoir. Et où, traditionnellement, ont lieu les grandes mobilisations populaires.
"Cela ne sert à rien de fêter notre indépendance si nous sommes privés de liberté", a lancé Bolsonaro qui avait auparavant déclaré la guerre au Tribunal suprême fédéral, dans un climat de débat intense sur la liberté d’expression suite à la suspension de X, son réseau social privilégié.
Le juge Alexandre de Moraes, une figure centrale de la controverse, a ordonné la semaine dernière la suspension de X, reprochant à la plateforme du milliardaire américain Elon Musk d'avoir ignoré une série de décisions de justice liées à la lutte contre la désinformation.
Et c'est encore lui qui a condamné l'an dernier Bolsonaro à huit ans d'inéligibilité pour ses attaques infondées contre le système des urnes électroniques, alors qu'il était président du Tribunal supérieur électoral. Le magistrat conduit aussi la plupart des enquêtes visant l’ex-président.
La célébration de l’indépendance survient également dans un contexte difficile pour le gouvernement de Lula, actuellement secoué par un grand scandale. Accusé de harcèlement sexuel par plusieurs femmes, dont une collègue ministre, le ministre des Droits de l’Homme Silvio Almeida, qui nie tout en bloc, a été limogé vendredi soir.
À l’heure où les Brésiliens honorent l’indépendance acquise il y a plus de deux siècles, la fête est entachée par une turbulence politique croissante. Les éclats de joie ne parviennent pas à effacer les tensions sous-jacentes qui agitent le pays, révélant une démocratie ou une liberté en perpétuel questionnement.