Bien que ces élections soient avant tout locales, l'ombre de la politique nationale plane lourdement sur ce scrutin prévu pour le 6 octobre, avec un second tour le 27, dans une ambiance de polarisation intense et de sourdes rivalités entre le président actuel de gauche Luiz Inacio Lula da Silva, et son prédécesseur de droite Jair Bolsonaro.
Les récentes tensions politiques sous la présidence du progressiste et social-démocrate Lula suite à son retour au pouvoir en 2023 et les fractures idéologiques néolibérales engendrées par le mandat de Bolsonaro continuent de diviser l’électorat, lors de cette campagne amorcée le 16 août.
Les mégapoles dans la ligne de mire
Sao Paulo (sud-est), qui abrite presque 10% de l'économie nationale, est l’épicentre de cette bataille. La course est menée par le maire sortant Ricardo Nunes (Mouvement démocratique brésilien/MDB), soutenu par l'ex-président Bolsonaro. Le candidat de droite a bâti sa carrière politique autour d’un discours pragmatique, axé sur la gestion efficace des services publics, son approche consensuelle lui ayant permis de maintenir une certaine stabilité à la capitale économique, que d'aucuns estiment rassurante, malgré les tensions nationales.
Cette mégapole de 11,4 millions d’habitants est aussi dans la ligne de mire de la gauche, qui compte en chasser la droite. Son jeune candidat Guilherme Boulos (Parti socialisme et liberté/PSOL), porteur d'un discours social qui trouve un écho puissant parmi les déshérités, est donné favori face au maire actuel. S'il remporte les élections d'octobre, Boulos confortera les chances du président Lula pour 2026.
La députée fédérale Tabata Amaral (Parti socialiste brésilien/PSB), elle, jouit du soutien du vice-président Geraldo Alckmin pour conquérir cette métropole. Connue pour retenir l'attention des médias, cette jeune progressiste devra toutefois rivaliser avec des adversaires de taille.
À quelques centaines de kilomètres de l'autre côté des montagnes, Rio de Janeiro est également sous les feux des projecteurs. Le maire centriste, le très populaire Eduardo Paes (Parti social démocratique/PSD), cherche à briguer un nouveau mandat à la tête de cette deuxième ville la plus peuplée (6,2 millions d'habitants), qui détient 4% de la richesse de ce pays-continent.
Son grand rival est un proche allié de Bolsonaro, le député Alexandre Ramagem (Parti libéral/PL) et ancien directeur de l'Agence brésilienne du renseignement, lui-même entaché par des accusations d’espionnage. Bien que ces affaires n’altèrent pas vraiment la popularité de son camp, ses chances de victoire face au maire sortant semblent minces.
Les députés fédéraux Tarcisio Motta (PSOL) et Marcelo Queiroz (Parti progressiste/PP) sont également en lice pour prendre les rênes de Rio, mais leur popularité est faible selon les sondages. Queiroz, le plus riche des candidats, a vu ses avoirs considérablement augmenter depuis son entrée au Congrès, avec un patrimoine évalué à 1,4 million de dollars.
Si la bataille s’annonce rude pour la conquête des deux mégapoles, Brasilia n’est pas concernée par ce scrutin. La capitale administrative relève en effet du District fédéral qui, disposant d’une structure politique différente, n’est pas divisé en municipalités.
Dans un commentaire sur TV Camara, la chaîne de télévision publique chargée de la diffusion des activités de la Chambre des députés, le politologue et consultant Marcio Nuno Rabat, a souligné l'importance des élections municipales dans l’histoire du Brésil, en raison de leur ancrage au regard de l'immensité du territoire, d’autant plus qu'elles constituent une "phase préparatoire" aux élections générales prévues dans deux ans.
"Il est encore prématuré d'établir des comparaisons avec le scrutin de 2020", a-t-il cependant nuancé.
Un scrutin démocratique …
Plus de 155 millions d'électeurs devront se rendre aux urnes pour élire les maires, maires adjoints et conseillers municipaux de 5.570 communes parmi plus de 457.000 candidats, dont 82 députés en exercice.
Se félicitant de la progression du nombre d'électorat depuis l'implémentation du système de vote électronique, la juge Carmen Lucia, présidente du Tribunal supérieur électoral, a souligné que cela démontre que "les élections au Brésil sont libres et démocratiques : un calendrier précis, un processus transparent et vérifiable de bout-en-bout et des résultats crédibles".
Alors que la bataille promet d'être rude à Sao Paulo et à Rio de Janeiro qui s’accaparent une part importante du vote avec, respectivement, 9,3 millions et 5 millions d'électeurs, la victoire sera une "papaye sucrée" dans 214 autres municipalités où un candidat unique est en lice à la mairie. Une seule voix suffira pour l’heureux élu.
D'après la Confédération brésilienne des municipalités, le MDB, le PSD et les progressistes présentent le plus grand nombre de candidats uniques.
Si les municipales de 2024 enregistrent un nombre record de candidatures uniques, le total des prétendants à la mairie est le plus bas depuis 2000. Le président de la Confédération, Paulo Ziulkoski, explique cette "réticence" par des difficultés d’ordre financier, technique, bureaucratique ou juridique.
Au-delà des enjeux locaux, ces élections seront cruciales pour l’avenir de ce vaste pays d'Amérique du sud plombé par les inégalités sociales et économiques. Le parti des travailleurs, traditionnellement fort dans le nord-est, ambitionne de reconquérir les sentiers battus, tandis que des formations conservatrices cherchent à maintenir leur emprise dans le sud et certaines grandes métropoles.