Le rapport, présenté par la présidente du CNDH, Amina Bouayach, lors d'une conférence de presse, comprend un total de 332 recommandations thématiques ou générales, dont 122 recommandations émises par les trois mécanismes nationaux et 41 recommandations structurantes qui s'adressent aux autorités publiques et portent sur la pratique conventionnelle du Royaume et son interaction avec le système international des droits de l'Homme, le cadre juridique et institutionnel ainsi que le champ des politiques publiques, des programmes et des pratiques.
Les recommandations du Conseil portent sur l'accélération du processus d'adoption de lois fondamentales sur les droits de l'Homme, le parachèvement de toutes les composantes de la protection sociale et l'élargissement de leur champ d'application afin d'établir un système national de protection des droits économiques et sociaux, en particulier ceux qui sont liés aux normes minimales de sécurité sociale, à savoir les pensions de vieillesse, de chômage et d'invalidité et l'indemnisation en cas d'accident de travail.
Par ailleurs, le rapport fait état de l'augmentation du nombre de plaintes et de requêtes, le CNDH, ses mécanismes nationaux et ses commissions régionales ayant reçu 3.318 plaintes, dont 280 émanant de femmes ou de jeunes filles victimes de violences, et 276 relatives aux droits des migrants. Il a été également constaté que de plus en plus d'individus et de groupes s'adressent aux commissions régionales en tant que mécanismes de recours au niveau local.
Le Conseil note une augmentation de la proportion de plaintes liées aux droits économiques et sociaux, en tant qu'indicateur de l'ampleur des difficultés rencontrées par les individus pour accéder aux services de base liés à ces droits, et une augmentation des plaintes liées au droit à un environnement propre et durable et au droit à l'eau, qui peut s'expliquer par la situation difficile liée au stress hydrique sans précédent que connaît le pays depuis 2022 et qui s'est poursuivie en 2023.
Le rapport relève également que le domaine des doléances s'est élargi aux sujets ayant trait à la vie privée, traduisant la réputation du CNDH en tant que mécanisme de recours non-judiciaire.
Le Conseil observe, de même, que la dynamique de création d'organisations non-gouvernementales se poursuit, avec un nombre estimé à 266.610 ONG à fin de 2023, réparties sur toutes les régions du Royaume et travaillant dans tous les domaines.
Le Conseil a aussi recommandé de lancer une série de consultations entre les différents acteurs civils et institutionnels pour réviser la loi sur les associations et réglementer la vie associative, en tenant compte de l'évolution du système des droits liés à la liberté d'association.
D'autre part, le rapport met l’accent sur la nécessité d’appuyer le CNDH dans ses interventions liées aux affaires de traite des êtres humains, préconisant dans ce sens l’élaboration d’un guide pour renforcer les capacités de ses cadres aux niveaux national et régional et adopter une méthodologie de travail unifiée pour le traitement de ce genre d'affaires.
Ce guide permettra aussi de faciliter le suivi et l’identification précoces des victimes potentielles de ce genre de crimes, au sujet duquel 110 affaires ont été portées devant la justice en 2023.
Le rapport montre, par ailleurs, la capacité du Conseil à accompagner le débat public sur les questions sociétales liées aux droits et libertés, tant dans l’espace virtuel que réel, ce qui reflète un changement dans l'approche adoptée pour traiter les questions urgentes.
En outre, le CNDH a continué sa mobilisation pour assurer le suivi de la mise en œuvre des recommandations restantes émises par l'Instance Équité et Réconciliation (IER), notamment celles relatives à la préservation de la mémoire, à la réhabilitation collective et individuelle et à l'exécution des décisions prises dans le cadre de certains dossiers de disparition forcée.
Le Conseil évoque, dans ce cadre, le rapport du mécanisme national de prévention de la torture qui a effectué 55 visites à des lieux de privation de liberté, dont 15 visites aux établissements pénitentiaires et 26 visites aux lieux de placement en garde à vue.
Il s’agit notamment de 8 visites effectuées dans des lieux appartenant à la Sûreté nationale, 19 dans des locaux appartenant à la Gendarmerie royale, 7 dans des tribunaux, 5 dans des centres de protection de l'enfance et une visite dans un hôpital psychiatrique. Toutes ces visites ont été sanctionnées par un rapport du mécanisme national contenant observations et recommandations.
Le CNDH cite, dans la même veine, le rapport du mécanisme national habilité à recevoir les recours contenant les violations des droits des enfants, qui a reçu un total de 83 plaintes en 2023, tandis que le mécanisme national de protection des droits des personnes en situation de handicap a reçu un total de 32 plaintes et requêtes durant la même année.
Et de rappeler que trois rapports ont été adoptés durant 2023 par les mécanismes onusiens concernant la situation des droits de l’Homme au Maroc, à savoir les rapports sur la mise en œuvre de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale et de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, et le rapport sur le quatrième cycle de l'Examen périodique universel, pour lequel 306 recommandations ont été émises.
Le Conseil souligne qu'il a accueilli favorablement l'interaction positive du gouvernement marocain avec 232 recommandations approuvées, dont des recommandations visant à renforcer l'exercice de la liberté d'expression, d'opinion, d'association et de réunion. Il a également encouragé le gouvernement à reconsidérer sa position sur certaines recommandations partiellement ou totalement rejetées, telles que l'abolition de la peine de mort dans la législation et la pratique et la criminalisation du "viol conjugal".
Le rapport souligne que le CNDH a consolidé son leadership au sein des réseaux internationaux et régionaux des institutions nationales des droits de l'Homme, en assurant par exemple la vice-présidence de l'Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l'Homme et en pilotant des groupes de travail pour l'Alliance mondiale et le Réseau africain.
Le Conseil a également renforcé ses relations avec le système des droits de l'Homme de l'Union africaine, en organisant pour la première fois une Conférence importante sur les droits de l'Homme après le retour du Maroc à l'Union africaine, ainsi que le Forum africain sur la justice transitionnelle.
Le rapport conclut que la consolidation des fondements du système national de protection des droits économiques et sociaux nécessite l'accélération de la réforme de l'éducation pour garantir le droit à une éducation de qualité pour tous et renforcer le capital humain national.
Il plaide, de même, pour la poursuite de la réforme fiscale et la mise en œuvre de toutes les dispositions de la loi-cadre sur la réforme fiscale en tant qu'élément essentiel pour financer les droits économiques et sociaux et renforcer la justice territoriale.