Et pourtant, la vie offre souvent des trésors inattendus dans des coffrets différents. Au fil des années, Saâdia Sbayei a fini par donner, pas que la vie, mais aussi l’espoir et des perspectives meilleures à des centaines de filles issues de milieux défavorisés. Dédiant son existence à un accomplissement précieux et semant les graines de l'espoir et du changement dans le sol fertile des vies défavorisées. Voici son histoire…
Née à Casablanca, en 1960, Saâdia a plus d’une corde à son arc, a multiplié les expériences, a vécu un moment à l’étranger, mais c’est en s’installant en 1999 à Médiouna (province relevant de la région de Casablanca-Settat) que sa vie a été complètement bouleversée, troquant une carrière bien faite d’entrepreneure, contre une vie dédiée à l’action associative et à l’émancipation de jeunes filles.
A Médiouna, Saâdia se donne, corps et âme, au social. Gérant, dans un premier temps, une crèche au profit des enfants de douars, parallèlement à son occupation principale, la gestion d’une pépinière.
Puis vint, en 2005, l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH). Imbue des valeurs du don de soi pour le bien-être des autres, Mme Sbayei s’approprie aussitôt la philosophie et la vision de ce chantier d’envergure, et fait sienne la mission de contribuer, du mieux qu’elle peut, à l’effort de lutte contre la précarité et la pauvreté au niveau local.
Pépiniériste de métier, Mme Sbayei n’a pas trop réfléchi à son premier projet pour se lancer dans le social. Dès 2006, elle conçoit le projet de former des jeunes déscolarisés et sans emploi au métier de jardinage, les initiant à une activité génératrice de revenus. Soutenu par l’INDH, le projet fait florès, profitant à des dizaines de jeunes, dont certains qui ont monté, au fil du temps et de l’expérience, leurs propres sociétés de jardinage.
"Je me considère comme étant le pur produit de l’INDH", affirme Mme Sbayei, dans un entretien à la MAP. "Grâce à ce premier projet soutenu par l’Initiative nationale et par les autorités locales, j’ai pu découvrir tout un nouvel univers, et me découvrir moi-même", souligne-t-elle.
"Rien dans la vie ne peut m’offrir ce sentiment profond d'accomplissement personnel et de satisfaction que le travail associatif. Donner et n’attendre rien en retour", indique-t-elle.
Quelques années plus tard, Mme Sbayei, femme active et engagée, se voit confiée la mission de gérer "Dar Attaliba Sidi Hajjaj Oued Hassar", espace d'accueil et d'accompagnement des filles rurales scolarisées, inaugurée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le 24 décembre 2011, dans le cadre des projets de l'INDH lancés dans la région.
Le rêve d’enfance de Saâdia se trouve subitement ressuscité ! A Dar Attaliba, elle est entourée de jeunes fillettes courant joyeusement autour d’elle... Des filles qui, en raison des contraintes liées à la scolarisation dans le milieu rural, allaient décrocher, mais qui se voient octroyées la chance de poursuivre, jusqu’au bout, et leur scolarisation et leurs rêves.
"Mme Saâdia est notre maman à nous toutes. Elle a toujours été là pour nous et nous a donné le meilleur d’elle-même pour que nous réussissons notre parcours", lance Wafae, une ex-pensionnaire de cette maison d’étudiantes et qui y travaille aujourd’hui comme institutrice, après avoir obtenu sa licence.
A "Dar Attaliba Sidi Hajjaj Oued Hassar", où la MAP s'est rendue à l'occasion de la Journée internationale des femmes, Mme Sbayei, soutenue par un groupe de femmes dévouées, veille au grain. Rien n’est laissé au hasard.
Ici, des règlements sont appliqués fermement pour que les jeunes filles se concentrent au mieux sur leur scolarité. L’usage des smartphones est strictement interdit au-delà de 20h30, les candidates au baccalauréat sont isolées des autres pensionnaires… Ce jour-là, des filles sortant de l’école vers midi pour le déjeuner, marchent, presque, au pas cadencé ! La rigueur et la discipline sont de mise.
Les règlements peuvent, par ailleurs, être enfreints… lorsque l’intérêt des pensionnaires l’exige. L’échec scolaire devrait, en principe, donner lieu à l’expulsion. Mais, les filles en question se voient octroyées, à titre exceptionnel, une seconde chance. Et Mme Sbayei veille personnellement à ce qu’elles la saisissent.
"Les filles studieuses sont déjà sur la bonne voie et n’ont pas besoin d’être accompagnées. Par contre, toute l’attention doit être portée aux filles en difficulté d’apprentissage. C’est là tout le défi", explique Mme sbayei.
Depuis sa mise en place, il y a 13 ans, "Dar Attaliba Sidi Hajjaj Oued Hassar" a profité à 918 jeunes filles. Au titre de l’année en cours, 90 fillettes en bénéficient, issues des communes rurales de Sidi Hajjaj Oued Hassar, Lahraouyine, Al Majjatia Oulad Taleb, Médiouna et Tit Mellil.
"Donner la vie à des filles ne se limite pas à la naissance, mais à l'inspiration d'une génération de femmes fortes et déterminées, prêtes à conquérir le monde", confie Mme Sbayei.
Et son histoire, loin d'être terminée, continue de se dérouler, page après page, dans les cœurs et les esprits des jeunes filles qu'elle touche de son aura bienveillante.