Cette décision inattendue, que le président Macky Sall a qualifiée dans un discours adressé à la Nation de "murement et longuement réfléchie", a été hautement saluée par la communauté internationale et la classe politique sénégalaise.
C'est une décision historique d'autant qu'elle a mis fin aux supputations de certaines franges de l'opposition qui considéraient la candidature de Macky Sall "illégale", la Constitution, postérieure à sa première élection, limitant à deux le nombre de mandats.
En effet, c'est la première fois qu'un scrutin présidentiel se tient dans ce pays de l'Afrique de l'Ouest en l'absence du chef de l'Etat sortant.
"Mes chers compatriotes, ma décision longuement et mûrement réfléchie est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024", avait déclaré dans son Adresse à la Nation, Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, et qui faisait planer le suspense sur une éventuelle troisième candidature, plongeant le pays dans l’incertitude et de fortes doutes sur ses intentions à briguer ou non un troisième mandat.
Si son camp arguait de la révision constitutionnelle effectuée en 2016 pour souligner que les compteurs étaient "remis à zéro" et que leur leader pouvait se présenter à nouveau à l’élection présidentielle de février 2024, les adversaires rappelaient par contre que la Constitution limitait à deux le nombre de mandats, ce qui rendait cette troisième candidature "illégale".
"J’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété, ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole", avait dit Macky Sall tout en soulignant: "On a tant spéculé, commenté ma candidature à cette élection. (…) Mes priorités portaient surtout sur la gestion d’un pays, d’une équipe gouvernementale cohérente et engagée dans l’action pour l’émergence, surtout dans un contexte socio-économique difficile et incertain".
"Le Sénégal dépasse ma personne et il est rempli de leaders capables de reprendre les rênes… J'ai écrit que le mandat de 2019 était mon dernier mandat. J'ai un code d'honneur et de dignité qui me commande de respecter ma parole d'honneur. Je veux conserver l'image de démocratie du Sénégal… Je continuerai à la défendre de toutes mes forces… et resterai à vos côtés. Soyez conscients de l'activisme des ennemis cachés. Restons fidèles à notre devise : -Un peuple, un but, une foi-", avait alors expliqué le dirigeant sénégalais dans son discours.
A noter que Macky Sall refusait auparavant de révéler son choix dans ses sorties médiatiques. En mars dernier, dans une interview à l’hebdomadaire français L’Express, il avait estimé sa candidature plausible, car, "sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps".
Dans sa coalition, chacun se mobilisait pour appeler à un renouvellement du mandat de son chef. Cinq cent douze élus de la majorité, maires et présidents de conseils départementaux, sur les 601 que compte le pays, lui avaient demandé en juin dernier de se représenter à cette échéance électorale pour un nouveau mandat.
Mais à la surprise générale, le dirigeant Sénégalais annonçait sa bombe de ne pas se présenter en 2024, avant de désigner l'actuel Premier ministre, Amadou Bâ comme candidat de la coalition présidentielle au prochain scrutin au cours duquel les Sénégalais vont élire le cinquième président de la République, après Leopold Sédar Senghor, Abdou Diouf, Abdoulaye Wade, et Macky Sall.
"Si on doit mener un combat, il faut qu'il soit définitif. J'en appelle à un sursaut national. Les jours et les semaines à venir seront cruciaux et difficiles", avait indiqué Macky Sall devant des élus locaux qui avaient fait une pétition pour le soutenir. Il a, à cet égard, appelé sa famille politique à l'unité et à placer "l'intérêt général" et "l'intérêt de la coalition" devant toute autre considération. "Mon combat et ma plus grande fierté sont vraiment de vous conduire vers la victoire et de poursuivre notre politique économique au bénéfice de nos populations", avait-il lancé, soulignant que la feuille de route pour faire du Sénégal un pays émergent en 2035 était déjà balisée.
Selon les observateurs, cette décision historique de Macky Sall est à même de permettre au "mercure sociopolitique sénégalais de retomber et que tout le pays de la Teranga pousse un grand ouf de soulagement suite aux événements survenus début juin à Dakar et dans d'autres parties du Sénégal. Elle vaut en fait son pesant de paix pour le pays ouest-africain car le climat y était à l'époque explosif. Le 1er juin 2023, l’opposant Ousmane Sonko a été condamné à deux ans de prison ferme dans une affaire de mœurs. Sa condamnation l’a rendu inéligible et a engendré dans la foulée les troubles les plus graves depuis des années au Sénégal, faisant 16 morts et des dégâts matériels importants, selon les autorités.
Maintenant que le président sortant Macky Sall a décidé de ne pas briguer un troisième mandat, les jeux sont désormais ouverts. Son parti, l'Alliance pour la République (APR), la coalition qui l'a accompagné au pouvoir, Benno Bokk Yakaar, BBY (Unis pour l'espoir en Wolof), et les partis alliés sont appelés à s'organiser pour aller à la bataille et essayer de séduire les Sénégalais et gagner le scrutin de février 2024.
Lors de son investiture jeudi dernier à Dakar, le candidat de la coalition au pouvoir, Amadou Ba, s'est engagé à mener le pays vers "le progrès" et "pour plus de paix et de prospérité".
"J'accepte votre investiture car elle me donne l'opportunité de poursuivre la mise en oeuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE, un plan de développement initié par Macky Sall). Ensemble, nous allons progresser, pour plus de paix, de prospérité et de partage" des richesses, a dit Amadou Bâ, chef du gouvernement depuis septembre 2022, ministre des Affaires étrangères jusqu'en 2020, et ministre de l'Economie et des Finances de 2013 à 2019.
"Notre candidat connaît très bien le cap qui lui est fixé", a soutenu de son côté Macky Sall, en évoquant surtout les défis liés notamment à la migration et l'emploi des jeunes.
A signaler que plus de 200 candidatures sont déclarées jusqu'à présent pour la présidentielle, dont celles de dissidents du parti présidentiel parmi lesquels figurent l'ex-Premier ministre Mahammed Boune Abdallah Dionne et l'ancien ministre Aly Ngouille Ndiaye.
Du côté de l'opposition, plusieurs candidats de renom se sont déclarés dont l'ancien Premier ministre, Idrissa Seck, l'ancien ministre Karim Wade, fils de Aboulaye Wade, l'ancien maire de Dakar, Khalifa Sall, et Ousmane Sonko qui attend toujours le feu vert de la justice et de l'administration pour récupérer les documents nécessaires à sa candidature à la présidentielle, malgré sa réintégration récemment par la justice sur les listes électorales.
Le dépôt des candidatures s'achève le 26 décembre et le Conseil constitutionnel validera ou invalidera les candidatures fin décembre.