Approuvée le 13 juillet 2022 en Conseil des ministres, puis le 29 novembre par le Parlement, la loi-cadre 03.22 formant Charte de l'Investissement a été publiée le 12 décembre au Bulletin Officiel avant que son décret d’application relatif aux dispositifs principal et stratégique ne soit adopté par le gouvernement le 26 janvier 2023.
C’est alors que s’engage un marathon de consultations entre le gouvernement, les parties prenantes institutionnelles, et les acteurs du secteur privé, pour apporter les dernières retouches à la Nouvelle Charte de l’Investissement et dévoiler les premiers contours de ses dispositions quasi-opérationnelles.
Le 3 mars dernier, l'arsenal juridique relatif au dispositif principal de soutien à l'investissement et au dispositif spécifique de soutien applicable aux investissements stratégiques a été complété par la signature de plusieurs arrêtés fixant les modalités d'obtention des primes pour les investisseurs.
Cette nouvelle Charte de l’Investissement comprend, dans son premier axe, 4 dispositifs de soutien à l’investissement, dont un dispositif principal, et 3 dispositifs spécifiques portant sur les projets à caractère stratégique, le développement à l’international et les très petites, petites et moyennes entreprises (TPME).
Le dispositif principal offre plusieurs trois groupes de primes pouvant être cumulées jusqu’à couvrir 30% du montant de l’investissement, à savoir 5 primes communes, 1 prime territoriale et 1 prime sectorielle. L'éligibilité à ces primes est conditionnée par la satisfaction de l’un des deux critères bien définis.
Pour prétendre aux subventions de ce dispositif, l’investisseur doit s’engager dans un projet d’un montant supérieur ou égal à 50 millions de dirhams (MDH) et pourvoir un minimum de 50 emplois. A défaut, le second critère d’éligibilité stipule la création d’au moins 50 emplois stables.
Après avoir rempli l’un des deux critères, l’investisseur se retrouve en droit de bénéficier des différentes primes allouées par l’Etat, là aussi en fonction d’un ensemble de critères propres à chacune d’elles.
Les 5 primes communes consacrent les investissements en ligne avec les Hautes orientations Royales, les objectifs du Nouveau Modèle de Développement (NMD) et le programme gouvernemental.
La 1-ère prime calcule le nombre d'emplois créés par rapport aux dépenses d’investissement (emploi/CAPEX). Si le ratio est compris entre 1 et 1,5, l’investisseur peut prétendre à une prime de 5% du capital engagé, entre 1,5 et 3, à 7% et à 10% lorsque le ratio ressort supérieur à 3.
Les quatre autres primes sont toutes fixées à 3%. La 2-ème prime s'intéresse au ratio genre dans l’emploi et récompense les investissements qui emploient au moins 30% de femmes parmi l’effectif total des salariés.
La 3ème prime concerne les investissements justifiants d’un métier d’avenir ou d’activités pouvant faire l’objet d’une montée en gamme. Les derniers arrêtés rapportent les métiers d’avenir à ceux du numérique, de la pharmaceutique, des énergies renouvelables, du maritime ou de la mobilité.
La montée en gamme concerne, quant à elle, les industries automobile, maritime, aéronautique, agricole, du textile et du cuir, pharmaceutique, ou encore les industries diversifiées, le secteur minier, et la transition énergétique.
S’attachant au développement durable, la 4-ème prime repose sur trois critères d’éligibilité, dont un obligatoire qui est l’économie d’eau. Les deux autres critères peuvent être soit le recours aux énergies renouvelables, la mise en place de système d’efficacité énergétique, de traitement de déchets ou de Responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
La 5ème prime concerne le niveau d'intégration locale et retient par arrêté 20% pour les projets d’investissement réalisés dans les secteurs de l’agro-industrie alimentaire, de l’industrie pharmaceutique et de l’industrie des dispositifs médicaux, et 40% pour les projets réalisés dans les autres activités industrielles.
La prime territoriale, par ailleurs, vise à dynamiser les provinces les moins favorisées. Elle est répartie en deux catégories répertoriées dans un arrêté publié fin mars, à savoir la liste A qui compte 36 provinces et liste B qui en compte 24, offrant respectivement 10% et 15% de prime.
Enfin, la prime sectorielle fixée à 5% sera dédiée aux investissements dans les secteurs prioritaires. En sus de l’industrie, cette prime devra profiter aux investisseurs dans le numérique, l’outsourcing, le transport, le tourisme, la logistique, la culture, l’aquaculture, les énergies renouvelables et la valorisation des déchets.
La nouvelle Charte de l’Investissement prévoit également des mesures d’appui spécifiques, en particulier pour les projets à caractère souverain ou avec une capacité d’attraction d’écosystèmes. Toutefois, les projets stratégiques bénéficient d’avantages négociés au cas par cas.
Pour cela l’investisseur est d’abord tenu de répondre à l’un des deux critères d’éligibilité. Le projet devra soit concerner le secteur de la défense, ou bien, faire l’objet d’un montant d’investissement total supérieur ou égal à 2 milliards de dirhams (MMDH). Cette seconde option est automatiquement accompagnée d’une condition à remplir parmi cinq.
Ces conditions sont en lien avec la sécurité hydrique, énergétique, alimentaire ou sanitaire du Maroc, la création d’emplois, le rayonnement économique et le positionnement stratégique du pays, le développement d’écosystèmes, ou encore, le développement et à l’appropriation des technologies d’avant-garde.
Dédié au développement des entreprises marocaines à l’international, le 2ème dispositif spécifique, dont les dispositions sont attendues vers le mois de juin, vise à mettre en place des mesures d’accompagnement et de soutien pour le rayonnement du Royaume en Afrique et dans le monde.
L’objectif recherché à travers le 3ème dispositif spécifique réservé au TPME, qui devrait être parachevé d’ici la fin de l’année, est l’accompagnement de ces catégories d’entreprises via des mesures pour simplifier l’accès au financement et la promotion d’une nouvelle génération d’entrepreneurs marocains.
La raison d’être de la nouvelle Charte de l’Investissement
Le Maroc enregistre l’un des taux d'investissement les plus élevés au monde, qui atteint 30% du produit intérieur brut (PIB), contre une moyenne mondiale de l’ordre de 20%. Pourtant, l’investissement national manque d’efficience, car supporté à ⅔ par l’Etat pour ⅓ de contribution du secteur privé.
Un état de fait qui s’explique également par la tendance de l’investissement privé qui n’est pas assez orienté vers les secteurs créateurs d’emploi et de valeur ajoutée. C’est à ce niveau que la nouvelle Charte de l’Investissement puise sa raison d’être.
L'objectif étant d'inverser la proportion d’investissement privé et public, pour atteindre 2/3 pour le privé soit 350 MMDH à l'horizon 2035 et 1/3 pour le public sur la base d’un engagement fort de la part des autorités en faveur des entreprises en matière de fiscalité, de foncier, d’accès à la commande publique ou de simplification des procédures administratives.
D’ici 2026, l'exécutif ambitionne, en vertu de cette Charte appuyée par l’implication des secteurs privé et bancaire, de mobiliser 500 MMDH d'investissements privés et de créer 500.000 postes d'emploi, afin d'assurer la cohérence des engagements des différents acteurs.
Une feuille de route sensible à tous les enjeux
La Nouvelle Charte de l’Investissement incarne une approche holistique dans le cadre de la poursuite des objectifs de développement socio-économique tracés par le Royaume à l’horizon 2026, et intervient en complément des réformes modernes, notamment la vision 2035 du Nouveau Modèle de Développement.
Avec pour mot d’ordre l’Investissement, cette nouvelle feuille de route s’attache à promouvoir la compétitivité économique du Maroc à travers un ensemble de mesures subsidiaires portant sur l'amélioration du climat des affaires et le principe de bonne gouvernance.
Au-delà de son caractère économique, la Nouvelle Charte de l’Investissement se veut fondamentalement inclusive et vise, par-dessus tout, à mettre en place les mécanismes nécessaires à même de financer les grands chantiers de l’Etat social que le Maroc s’efforce d’asseoir.
Apportant des mesures concrètes et transversales sur les plans social, économique et environnemental, la nouvelle vision de l’investissement, qui offre un cadre juridique transparent et lisible aux investisseurs, s’emploie à garantir une croissance durable en intégrant, à dimension égale, les aspects humain, territorial et économique.
Dans l'attente du parachèvement de l'arsenal juridique de l'ensemble de ses dispositifs, la Charte de l'Investissement est désormais opérationnelle, et se présente déjà comme un argument capital, dans les négociations des décideurs économiques marocains, qui semble convaincre par son bien-fondé les investisseurs internationaux.