Les analystes tirent, unanimement, la sonnette d'alarme quant aux répercussions de la politique du Chef de l’État, alors que son gouvernement vient d’échapper de justesse à une motion de censure à l’Assemblée nationale, déposée par les oppositions après son recours à l’article 49.3 pour forcer le passage et faire valider sa réforme sans le vote des députés.
“Il a fallu 9 voix pour renverser le gouvernement (278 votes favorables pour une majorité absolue de 287), une première”, relève Youssef Chiheb, politologue et professeur à l’université Paris Sorbonne Nord, pour qui cette situation est “symptomatique de la limite de la démocratie parlementaire, de l’abus excessif dans l’usage systématique du 49.3 et surtout d’une crise de régime”.
“On peut parler d’une crise politique et de crise de régime. Le président de la république est assiégé. Il va probablement affronter des moments durs, sachant que le risque qui peut y avoir c’est que, vu les résultats du vote de la censure et le fait que la Première ministre a évité le vote, la démocratie atteint ses limites”, analyse-t-il dans une déclaration à la MAP.
Il pointe en ce sens le “risque de la radicalisation” de la rue, des syndicats, de la société civile et des étudiants, soulignant que les “coagulations” de l’ensemble des mouvements de contestation peuvent conduire la France “non seulement à une crise politique, puisqu’on y est déjà, mais à l’instabilité, voire à des scènes de violence où tous les scenarii sont possibles y compris le scénario de la dissolution du parlement”.
A ses yeux, la Première ministre, Elisabeth Borne, a été “sacrifiée sur l’autel de la démocratie pour épargner le Président de la république”, faisant observer que la “théorie du fusible” a fonctionné, mais la France, note-t-il, sort de cette réforme “très affaiblie, la démocratie très affaiblie”, alors que '’le peuple se resserre et croule sous le poids d'une crise sociale, d'une inflation galopante et d'une crise de la cherté de la vie’’.
Si tous ces éléments “se coagulent”, elles pourraient engendrer des “scénarios extrêmement dangereux pour la stabilité, voire pour la sécurité de la France, estime-t-il.
De l’avis de M. Chiheb, Emmanuel Macron '’ne peut plus rester renfermé dans sa tour d’ivoire, et doit parler au peuple, peut-être pour l’apaiser, et pour proposer une autre formule”.
“Là, il a atteint le plafond de verre, et tous les éléments de l’implosion de la France sont réunis”, insiste-t-il
Lundi, l’Assemblée nationale a rejeté deux motions de censure présentées par le groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) et du groupe Rassemblement national (RN), visant à renverser l’exécutif, après l’activation jeudi par Elisabeth Borne du 49.3, pour la 11ème fois depuis son arrivée à Matignon.
L’Exécutif a été fortement attaqué par les oppositions sur sa démarche, dénonçant des “mensonges” et un “contournement” des membres du gouvernement sur une “réforme née-morte”.
Les oppositions ont annoncé à cet effet des saisines du Conseil constitutionnel, qui devra se prononcer dans un délai d’un mois avant une promulgation du projet de réforme très décrié, qui prévoit notamment le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans.
Après le vote des députés, des rassemblements surprise ont été organisés à Paris et dans plusieurs villes de par le pays, qui ont été émaillés de violences et d'affrontements entre les forces de l'ordre et les manifestants. En marge de ces heurts qui se sont poursuivis jusqu'à tard dans la nuit de lundi à mardi, plus de 142 manifestants ont été interpellés à Paris alors que 11 gendarmes et policiers ont été blessés, selon la presse.
Après l’adoption de la loi par le Parlement, le Président de la république dispose de quinze jours pour promulguer la loi. Toutefois, si au moins soixante parlementaires saisissent le Conseil constitutionnel, ce délai est suspendu.