Organisé dans le cadre d'un colloque international (1-3 mars) placé sous le thème "L'oralité, un registre privilégié d'interlocution ou un paravent pour l'Afrique", ce panel a mis en exergue les caractéristiques du Mvet, qui désigne à la fois la harpe-cithare ainsi que les récits héroïques déclamés par un barde appelé mbom-mvet (joueur/conteur du Mvet), ainsi que les enjeux liés à sa préservation et les moyens de transmission et de partage préconisés.
Ainsi, Dr. Angèle Ondo, professeur de poétique des Textes oraux africains, a d'emblée défini le Mvet comme "un long poème épique" déclamé par un maître, dans le clan Ekang, à l’occasion des funérailles ou des cérémonies de retrait de deuil d’un homme, dont la profération est soutenue par "la musique de la harpe, des baguettes entrechoquées et des clochettes".
Connu pour être "un texte cultuel", ancré dans le thème de "la quête de l’immortalité des rois et des guerriers mortels ou immortels pour délivrer le secret de la sagesse", le Mvet utilise le détour pour que seuls les initiés puissent en saisir le sens et la portée, a expliqué l'universitaire.
Elle a aussi expliqué que depuis la fin du XXème siècle, le Mvet encourt un risque de disparition dû à la mort de ses grands maîtres tout en étant sujet à de nombreux obstacles empêchant sa transmission, à savoir la méconnaissance de la langue Mvet par les auditeurs natifs, la diabolisation du Béri (langue Ekang) et l’interdiction de célébrer le rituel du Mvet, considéré comme "rétrograde" par les nouvelles religions auxquels adhèrent les autochtones, outre la disparition des rites enseignés par le Mvet ainsi que l’adoption d’un nouveau mode de vie radicalement différent des valeurs et principes de la civilisation Ekang.
De son côté, Dr. Mathurin Ovono Ebe, Maître de Conférences de Littérature espagnole et comparée, a indiqué que le Mvet est un art qui relève de l’épopée et des exploits des Ekang, peuple d’immortels qui sont l’extrapolation mythique du peuple Fang, selon Eyi Ngoco Moan Ndong, maître mvet guinéo-équatorien, dont les récits ont été traduits en espagnol et plus récemment en français.
“Le Mvet renvoie à l’instrument de musique et au message de sagesse véhiculé dans les récits”, a souligné M. Ovono Ebe, plaidant pour qu'il ait “un écho international”.
Il a aussi tenu à comparer entre les termes de "littérature", souvent sacralisé et d'"oralité", souvent décrite comme populaire voire profane, introduisant le néologisme "oraliture", conçu pour redonner à l'oralité son poids, en mettant en valeur la culture transmise par voie orale comme les contes et les chansons.
Pour sa part, le chercheur et professeur universitaire François Bingono a dévoilé les liens entre le monde visible et invisible selon le Mvet, partageant avec l’audience de nombreux “récits de vie” pour expliquer cette interaction.
Il a souligné l’importance du Mvet comme “un support de communication privilégié permettant d’aller dans le monde des morts pour trouver des solutions aux problèmes des vivants”.
Initié dans le cadre des activités de la Chaire des Littératures et des Arts africains, ce colloque de trois jours propose d'explorer les richesses intellectuelles africaines en mettant l’accent sur les littératures orales, en rassemblant une dizaine d’intervenants, dont des chercheurs et artistes marocains et d’autres venant de Guinée, du Burkina Faso, du Sénégal, de Mauritanie, de Madagascar, du Gabon et du Cameroun.