Deux années après son lancement, le bilan de cette politique, déclinée à travers la banque de projets, s’avère satisfaisant. Aux dires du ministre de l'Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, le nombre de projets d'investissement prévus dans le cadre de la politique de substitution aux importations a atteint 1.219, permettant la création de plus de 272 mille emplois.
Ces projets sont à même de substituer 68,6 milliards de dirhams (MMDH) d'importations et de garantir un potentiel à l'export de 73 MMDH, avait indiqué le ministre en octobre dernier devant le parlement, faisant remarquer que 87% de ces investissements sont effectués par des capitaux marocains et que 82% des investisseurs ont procédé à l'acquisition du foncier sur lequel les projets seront réalisés.
L’année 2022 a été ainsi marquée par le coup d'envoi du quatrième lot d'opportunités de la banque de projets, avec 96 nouvelles fiches/projets ciblées qui ont enrichi la banque, composée de 275 projets. Ce lot offre évidemment de nouvelles opportunités d'investissement industriel dans le cadre de la souveraineté industrielle, sanitaire et alimentaire.
En outre, cette nouvelle vague témoigne de l’engouement et l'enthousiasme des porteurs de projets et reflète le regain d’intérêt des investisseurs pour le secteur industriel marocain.
A rappeler que l’objectif des fiches/projets est de donner une vision globale des principales opportunités d’accélération du marché intérieur, dans le but de rendre accessible les perspectives générales basées sur des données publiques et des entretiens avec des experts et des industriels de chaque filière.
Parallèlement à la banque de projets, chapeautée par le ministère du Commerce et de l’Industrie, d'autres leviers sont également au service de la politique de substitution aux importations.
Il s’agit notamment des contrats de sourcing, qui offrent de nouveaux débouchés à la production locale. Cette année a été marquée par la signature de plusieurs accords dans ce sens.
A titre d’exemple, une convention de partenariat a été signée en septembre entre le ministère de l'Industrie et du Commerce et le Groupe Kitea pour le développement du sourcing local et satisfaire les besoins du marché local, en plus de développer les produits locaux et la promotion de la fabrication locale. En vertu de cet accord, Kitea portera le taux de son sourcing Maroc en produits industriels commercialisés par le réseau à 38% au lieu de 19% et doublera ses exportations en produits "Made in Morocco" vers l’international, notamment le continent africain.
Un autre accord a été conclu en octobre avec BIM Maroc, pour développer le sourcing de BIM auprès des industriels locaux du textile et de l’agroalimentaire. La chaîne de magasins s’est engagée, à l’horizon 2025, à augmenter la part de ses marques de distributeur (MDD) "Made in Morocco" pour atteindre 80% pour les produits agroalimentaires et 90% des produits de textile.
Plus tôt cette année, le ministre de l’Industrie et du Commerce et le vice-président de la chaîne d’approvisionnement de Collins Aerospace, Kristopher Pinnow, avaient signé à Farnborough (sud-ouest de Londres) un protocole d'accord visant à créer au Maroc un écosystème d’approvisionnement de Collins, spécialiste mondial de l’aéronautique et filiale du géant américain Raytheon Technologies.
Aux termes de cet accord, l’écosystème Collins sera structuré autour de fournisseurs et d’une plateforme de sourcing basée au Maroc. Il permettra de créer 800 emplois et de générer un chiffre d’affaires cumulé d’un milliard de dollars à l’horizon 2032…
Par ailleurs, faut-il noter que la politique d’import substitution s’appuie sur d’autres leviers à savoir le soutien au développement de l'innovation et à la recherche & développement via de nouveaux outils répondant aux besoins de l’investisseur et d'autres de financement et d'assistance technique.
L’industrialisation un impératif pour la relance
La politique de substitution aux importations ne date pas d’hier puisqu’elle a marqué presque tous les plans industriels nationaux du Royaume depuis l’indépendance, et connaîtra son apogée avec la crise du Covid-19 qui a chamboulé les chaînes d'approvisionnement à travers le monde. Une crise qui a aussi mis en lumière les capacités des entreprises marocaines en termes de flexibilité et d’adaptation avérée, leur permettant d’assurer la continuité d’approvisionnement du marché national.
La crise pandémique a accéléré, en quelque sorte, l’industrialisation qui paraissait jusque-là la seule issue pour répondre aux besoins du marché, créer de l’emploi, limiter la sortie des devises et attirer de surcroît les investissements étrangers.
A cet effet, le plan de relance industriel (2021-2023), outre l’instauration d’une politique de substitution aux importations, repose sur le renforcement du capital marocain dans l'industrie, et la décarbonation de l'industrie pour préserver et renforcer l'export. Ces deux derniers piliers sont d’une importance cruciale pour renforcer la compétitivité du tissu économique national et consolider les acquis du Maroc afin d'opérer une montée en gamme qualitative dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
S’inscrivant dans cet esprit, la charte de l'investissement encourage non seulement l’investissement mais aussi l’industrialisation et la substitution des importations par la production locale à travers une panoplie de mesures d’ordre fiscal, financier, foncier, administratif et autres.
Pour sa part, la loi de finances 2023 place le secteur industriel en tête de ses priorités et identifie de nouveaux défis à forte incidence sur la trajectoire de l’industrialisation du Maroc. Il s’agit de l’écologisation de l’industrie, la souveraineté industrielle, la relocalisation "Reshoring" ou encore de la digitalisation du tissu industriel et développement des compétences humaines.
L’industrialisation par substitution aux importations est un processus qui permettra évidemment de s’affranchir ou du moins réduire la dépendance vis-à-vis des biens importés de l’étranger en les produisant localement. En revanche, il s’agit d’une stratégie non sans risque qu’il faut mener en toute prudence dans un contexte de rude concurrence, d’instabilité géopolitique et de fortes incertitudes, afin de tirer son épingle du jeu en profitant des nouvelles vagues de relocalisation déclenchées après la pandémie.