La Tunisie fait face actuellement à deux crises différentes. D’un côté, il y a une crise politique. "Elle ne va pas en s’améliorant à l’heure actuelle", prédisent de nombreux observateurs.
D’un autre côté, la Tunisie subit une grave crise économique. En plus de la crise des finances publiques, de la dette colossale des entreprises publiques et des risques qui pèsent sur des filières stratégiques de la production, les habitants font face régulièrement à des pénuries cycliques de produits essentiels.
En même temps, l’inflation s’est aussi envolée, le chômage également et les perspectives 2023 ne sont guère reluisantes.
Avec l’adoption envisagée en début de la nouvelle année de nouvelles mesures d’austérité imposées par le Fonds Monétaire International, qui prévoient notamment l’abandon de la subvention des produits de première nécessité et la privatisation de certaines entreprises publiques, la colère est en train de gronder et les risques d’une implosion sociale sont plus que jamais réels.
Sur le plan politique, après le référendum du 25 juillet 2022, les élections législatives anticipées, du 17 décembre, sont boycottées par toutes les familles politiques en raison "d’irrégularités qui l'entachent depuis le début du processus".
La modification du mode de scrutin, à travers l’option pour le scrutin uninominal à deux tours, la réduction du nombre de sièges à 161, et, enfin, en imposant aux candidats un système de parrainage compliqué ont fait de cette échéance, une élection à en trompe l’œil. D’ailleurs, les candidats ne se bousculent pas au portillon, avec 1058 candidatures enregistrées, contre quelque 15.737 candidatures pour les législatives de 2019.
Bien plus, à l’intérieur du pays, dix circonscriptions affichent chacune un seul et unique candidat, ce qui entraînera leur élection d’office.
Selon un grand nombre d'analystes, la Tunisie vit aussi au rythme de pénuries de produits de première nécessité, de renchérissement du coût de la vie, des drames de l'immigration clandestine, d'une crise économique et financière sans précédent et d'un malaise social qui ne cesse d’enfler. Un pays également de plus en plus isolé au plan international par l’obstination de ses dirigeants à paralyser les institutions démocratiques, à brimer toute expression libre et toute opposition et à dévier de l’idéal démocratique.
Les partenaires traditionnels de la Tunisie ont perdu confiance dans un régime qui a fait un coup d’arrêt à une expérience démocratique qui a suscité au commencement d’immenses espoirs.
Critiqué ouvertement par des pays comme les Etats Unis et l'Union Européenne pour l'abandon de tout processus participatif, par des pays, pourtant amis, pour les alliances suspectes et par les bailleurs de fonds internationaux pour son incapacité à conduire les réformes essentielles, le pouvoir fait la sourde oreille et continue à enfoncer le pays dans une crise multidimensionnelle, font observer les mêmes sources.
Manifestement, l’année 2023 marquera le moment de vérité pour la Tunisie, qui a amorcé un virage politique périlleux et qui confronte de graves difficultés économiques et financières et risque de connaître un tourbillon sur le plan social.
Les réformes douloureuses imposées par le Fonds Monétaire International, l’abandon de la subvention de produits alimentaires de base, l’érosion du pouvoir d’achat des catégories vulnérables et même de la classe moyenne, la persistance d’une inflation galopante vont mettre le fragile gouvernement à rude épreuve.
Un gouvernement qui dispose d’une marge de manœuvre très étroite, n’est pas maître de ses décisions et qui ne possède pas les arguments pour éteindre les feux de la colère.
Visiblement, la marche vers l'abîme de l’économie tunisienne n’intéresse guère les milieux politiques. La loi électorale passionne plus que le double déficit du budget (- 9,7 % attendus cette année) et du compte courant avec l’extérieur, l’inflation (+ 8,6 % sur un an) ou le taux de chômage de la population active (18 %).
La réalité vécue par la population est la traduction parfaite de la dégradation de l’économie nationale dont les principaux moteurs sont en panne.
En dehors de quelques rares institutions publiques étrangères, plus personne ne prête un dollar à la Tunisie. Pire, les fournisseurs étrangers réclament de plus en plus d’être payés comptant avant d’expédier la marchandise commandée.
Asphyxiée par une dette dépassant les 100 % du PIB, la Tunisie a obtenu à la mi-octobre un accord de principe du FMI pour un nouveau prêt de quelque deux milliards de dollars encaissable par tranche à compter de décembre.
En contrepartie, le gouvernement s’est engagé à des réformes parmi lesquelles une levée progressive des subventions aux produits de base (alimentaires et énergie) et une restructuration des entreprises publiques qui ont le monopole de nombreux secteurs.
En sus de la tension sociale latente, le pays vit au rythme des deuils de la migration clandestine et la population est gagnée par le sentiment d'abandon : Ni vie digne, ni enterrement digne. En effet, le pouvoir se montre incapable à faire face à un flux de migration clandestine qui prend de l’ampleur. Plus de 10 mille migrants sont arrivés clandestinement sur les côtes italiennes, dont plus de 2000 mineurs et 500 femmes.
D'après les analystes, il s’agit là d’un signal d’un profond désenchantement d’une jeunesse gagnée par le désespoir et outrée par l’absence de réponse à la précarité dans laquelle végètent de milliers de jeunes.
Pourtant, soutiennent de nombreuses voix, l’amélioration de la situation du pays et la résolution des problématiques d'ordre économique et social nécessitent l'adoption d'une approche inclusive et basée sur l'échange et la collaboration, une approche qui n’est pas au goût d’un pouvoir qui tourne le dos à toutes ces sollicitations.