Intervenant aux côtés d’experts internationaux de renom, à savoir M. Tom Fletcher, Directeur de Hertford Collège Oxford et conseiller de trois Premiers Ministres britanniques, Mme Theresa Fallon, présidente du Centre d’études sur la Russie, l’Europe et l’Asie, le diplomate marocain a apporté des éclaircissements sur ce qu’il a qualifié «d’un paradigme changeant dans l’exercice d’une action de la diplomatie qui ne saurait faire l’économie d’une nécessaire adaptation dans ses démarches comme dans ses outils de travail».
Partant du postulat que la pandémie mondiale de la Covid-19 a imposé une nouvelle réalité dans les relations et l’interaction internationales, M. Amrani a souligné que le diplomate a été confronté à un exercice de remise en question structurel et profond sur la façon même dont il conçoit la pratique de son métier et plus globalement les schémas de coopération d’une diplomatie qui ne peut se permettre d’avancer à reculons.
La principale conséquence du coronavirus est celle d’avoir mis en évidence la nécessité de garantir et de renforcer la résilience d’un ordre international fondé sur des règles, des principes et des cohérences organisées, a-t-il fait constater. M. Amrani a, dans ce sens, souligné que le combat contre la pandémie relève éminemment de la responsabilité d’une diplomatie internationale, plus que jamais, appelée à investir l’ensemble des leviers en sa disposition pour assurer la continuité du dialogue, de l’échange et donc d’une décision internationale concertée et en phase avec les enjeux d’aujourd’hui et de demain.
A ce titre, l’ambassadeur a loué les mérites d’une diplomatie digitale qui a permis, dans une certaine mesure, « de contourner» les restrictions sanitaires d’un virus qui a drastiquement limité les possibilités d’interactions humaines, pourtant tellement fondamentales dans l’exercice d’une diplomatie d’action. Reconnaissant l’apport indéniable des nouvelles technologies de communication, il a soutenu que «la diplomatie c’est d’abord et avant tout le contact, le verbe et la confiance qui ne se retrouvent qu’autour d’une table de négociation où l’humain, le diplomate interagit avec tous ses sens pour convaincre, influencer et débattre».
«Rien ne remplace le contact direct, les salles de réunions de New York, Addis-Abeba, Vienne ou Genève où l’on peut à travers la négociation trouver le meilleur compromis possible. Le numérique ne peut remplacer l’humain. Il doit être un vecteur de rapprochement et pas de remplacement», a plaidé l’ambassadeur.
Se prévalant de l’exemple des négociations inter-libyennes menées à Skhirat par l’envoyé personnel de l’ONU Bernardino Leon, l’ambassadeur a mis en lumière les limites du numérique, arguant que ces réunions n’auraient pas pu aboutir ou même se tenir virtuellement au vu de la complexité de la négociation, de la sensibilité des thématiques traitées et de la fragilité de la confiance existante entre les parties au conflit.
Il a à ce propos souligné que le numérique ne doit pas être un instrument de superficialité qui privilégie l’instantané sur le futur, estimant nécessaire d’utiliser le numérique mais avec maitrise et précaution, sinon on risque de perdre en profondeur en cherchant à gagner en efficacité.
Pour le diplomate, la gestion de ce risque va de pair avec la maitrise de ce nouvel espace digital qui, s’il ne peut remplacer les formes plus classiques de la diplomatie, constitue toutefois un terrain privilégié qui permet au diplomate de sortir des carcans et des sentiers battus pour s’ouvrir au monde extérieur. Face à un spectre élargi d’acteurs de la société internationale, le diplomate doit s’imposer comme un pivot et un interlocuteur qui transmet l’information, négocie et influe la décision, note-t-il.
M. Amrani a souligné , dans ce sens , que le Ministère marocain des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger est d’ores et déjà dans une démarche d’anticipation formant ses jeunes diplomates à la maitrise et à la compréhension de ce nouvel espace de l’action diplomatique. La formation est la passerelle prioritaire et la voie privilégiée d’une diplomatie qui souhaite gagner en compétence et en efficience, a-t-il dit.
Et d’ajouter que la diplomatie et le diplomate doivent s’adapter à cette nouvelle configuration et que l’exigence est de ne pas enregistrer de retard dans cette transformation digitale de l’action diplomatique que tout le monde sait inéluctable.
Dans le même élan, l’ambassadeur n’a pas manqué de souligner que les pays qui sont aujourd’hui dans l’anticipation seront vraisemblablement ceux qui donneront demain les tempos de l’action diplomatique.
Le continent a été à l'avant-garde de cette diplomatie, qui s'organise autour des valeurs cardinales que sont le partage et la solidarité. Toutefois, a-t-il estimé, la diplomatie virtuelle à l’échelle continentale ne doit pas être un prétexte à l’instrumentalisation politique comme il a malheureusement été observé parfois lors de récentes réunions de l’UA, où l’outil informatique n’a pas été maitrisé et a été utilisé pour contourner les procédures et les réglementations , a-t-il conclu.