Le Brésil, qui compte au total 58 usines de production automobile avec une présence de quasiment tous les constructeurs mondiaux, produirait 300.000 véhicules de moins cette année. Pis encore, entre 60% et 70% des quelque 105.000 employés directs du secteur sont actuellement dans leurs maisons. Avant la pandémie, le secteur employait entre 125.000 et 130 000 personnes.
Selon l’Association nationale des constructeurs de véhicules automobiles (Anfavea), la pandémie a interrompu le cycle de trois ans de croissance après la crise de 2015 et 2016. Avant que le nouveau coronavirus ne devienne un défi mondial, les fabricants s'attendaient à une croissance de 10% pour 2020, mais les ventes sur le marché intérieur ont clôturé en baisse de 26,2 %, soit 2.05.437 unités.
Le secteur automobile, qui portait la reprise de l'industrie à partir du deuxième semestre 2020, a connu son premier recul après neuf hausses consécutives de 1.249,2% cumulés.
L’hémorragie a commencé ente janvier et février, pendant la crise de pénurie d'oxygène à Manaus, l’état amazonien où au moins quatre fabricants de motos de la zone de libre-échange ont suspendu la production.
L'arrêt temporaire d'une bonne partie de l'industrie aggrave les perspectives de performance de l'économie brésilienne en 2021. Les projections de PIB (produit intérieur brut) sont continuellement revues à la baisse depuis janvier, en raison de l'aggravation de la pandémie et de l’évolution en dents de scie de la vaccination.
L'IBGE, l’institut brésilien de géographie et de statistique, note que le secteur automobile représente près de 1% du PIB brésilien, 6,7% du PIB de l’industrie manufacturière, 0,4% du nombre total d’emplois et 4,1% de l'emploi dans le secteur industriel.
Volkswagen a été le premier constructeur automobile à annoncer la suspension de la production dans le pays, le 19 mars. La multinationale allemande a expliqué sa décision par la volonté de préserver la santé de ses employés et des membres de leurs familles.
Dans les jours qui ont suivi, les annonces d'arrêt se sont multipliées. Volvo et General Motors ont évoqué le manque de composants et le niveau élevé d'instabilité dans la chaîne d'approvisionnement mondiale et locale en pièces, l’ayant obligé à réduire la production.
Dans la foulée, Mercedes, Renault, Scania, Toyota, Volkswagen, Volkswagen Trucks and Buses, BMW, Agrale, Honda, Jaguar et Nissan ont tous mis à l’arrêt la production. Les analystes estiment que les constructeurs ne sont pas prêts de reprendre la production à plein régime de sitôt.
Or, selon les spécialistes, deux raisons principales ont conduit à la vague d'arrêts dans les usines automobiles brésiliennes et la pandémie n’y est que pour une partie. La première raison est le manque de pièces, dû à la logistique internationale, et les problèmes d'approvisionnement, principalement en semi-conducteurs.
La pénurie en produits est due aussi à la reprise de l'économie chinoise. Le pays asiatique est le premier producteur de pièce au monde et a donné la priorité à son marché national dans la reprise, au détriment des exportations vers d'autres pays.
En outre, les semi-conducteurs sont également utilisés par les fabriquants des ordinateurs, des consoles de jeux vidéo, des téléviseurs et des téléphones portables, des produits dont les ventes ont beaucoup augmenté pendant la pandémie.
Autre facteur clé, la baisse drastique des ventes en raison des restrictions anti-covid décrétées dans les grands centres urbains, notamment à Sao Paulo, qui représente 23% des ventes de voitures neuves au Brésil, le plus grand marché d’Amérique du sud.
Selon Fenabrave, l'association des concessionnaires, entre janvier et février de cette année, environ 339.000 véhicules ont été vendus au Brésil, en baisse de 14% par rapport à la même période en 2020.
Ainsi, Jato Dynamics, fournisseur mondial de Business Intelligence, a revu son estimation du nombre de voitures qui devraient être vendues cette année au Brésil, qui dispose d’un capacité installée de 4,8 millions de véhicules par an, de 2,4 millions en début d'année à 2,1 millions à fin mars. En 2020, 1,95 million de véhicules avaient été vendus.
Pour d’autres spécialistes, même le chiffre de 2,1 millions n’est pas gagné d'avance, car tout dépendra de l’évolution de la pandémie et de la vaccination, et du temps que prendront les mesures de quarantaine.
La mise à l’arrêt de l’industrie automobile a affecté d’autres secteurs d’activités comme ceux du plastique, de l'acier laminé, des produits chimiques, des produits métalliques, des produits en caoutchouc, ce qui donne la mesure de l’importance du secteur et l’ampleur des dégâts.
Le coup le plus dur subi par le Brésil reste le départ du constructeur américain Ford, qui a annoncé en janvier qu’il quittait le pays en licenciant 5.000 salariés. "Ford va cesser la production (...), la pandémie n'a fait qu'augmenter la capacité de production inutilisée et la réduction des ventes a provoqué des années de pertes significatives", a expliqué l’entreprise qui devrait ainsi réaliser 4,1 milliards de dollars d’économies.
Le président brésilien Jair Bolsonaro a accusé Ford, qui ne touchera pas à ses usines en Argentine et en Uruguay, d'avoir menti sur la raison. Pour lui, le constructeur américain a décidé de mettre fin à un siècle d’activités au Brésil, car il n’est pas parvenu à engranger "plus de subventions".
Le Brésil, qui est tombé au 9è rang mondial après une chute de 31,6% de la production en 2020, parie sur une croissance de 25% cette année pour redresser la barre, mais cela dépendrait de l’évolution de la pandémie et de la campagne de vaccination contre un virus qui a déjà fait près de 360.000 morts.