Bien que le Pérou, qui célèbre le bicentenaire de l'indépendance, n'ait pas encore réussi à surmonter la deuxième vague de coronavirus qui fait de plus en plus victimes, le président péruvien par intérim, Francisco Sagasti, a exclu le report des échéances électorales de dimanche prochain.
Pour lui, au vu de la situation politique inédite et particulière, le Pérou ne peut être comparé à d'autres pays comme le Chili voisin, qui a reporté les élections régionales et celles des membres de l'organe qui sera chargé de rédiger une nouvelle constitution.
Sagasti, qui a pris le pouvoir après une grave crise politique dans le pays en novembre dernier, s'était engagé à organiser les élections générales dans le délai imparti (11 avril) et de manière "sûre" grâce à la coordination entre le Bureau national des processus électoraux, la Commission électorale nationale et le ministère de la Santé.
Le maintien de la date des élections n’a pas été une surprise dans le pays sud-américain, d'autant plus que Sagasti (centre) a assumé la présidence du pays sud-américain après des jours de marches de protestation violente qui ont fait deux morts et plusieurs blessés. Sa tâche principale, outre la lutte contre la pandémie, était de calmer les ardeurs et garantir une sortie de la crise.
Sagasti a pris les rênes du pouvoir dans une ambiance tendue sur fond de scandales de corruption qui se sont soldés par le limogeage de Martin Vizcarra de la présidence du pays, pour "incapacité morale permanente".
Vizcarra est soupçonné d'avoir perçu des pots-de-vin lorsqu’il était gouverneur de la région de Moquegua (2011-2014), des accusations que l'actuel candidat à un poste au Parlement a toujours rejetées.
Après la vacance de pouvoir, Manuel Merino, en sa qualité de président du Congrès (alliance de l’"Action populaire"), a assumé la présidence du pays en pleine crise économique et sanitaire conformément aux dispositions du la Constitution, mais quelques heures après son investiture, des milliers de citoyens sont descendus dans la rue pour exiger son départ.
Face à la montée des protestations et à la perte de soutien politique, Merino a annoncé sa démission, pour que le Congrès opte ensuite pour Francisco Sagasti du "Partido Morado" (Parti pourpre), un choix qui aura apaisé légèrement l'atmosphère tendue.
Ainsi, les élections de dimanche prochain visent à mettre fin à cinq ans de tensions politiques, d'affrontements stériles entre le gouvernement et le Congrès, de licenciements, de démissions et de scandales politiques, judiciaires et sanitaires, dont le dernier en date était le scandale des vaccins anticovid, qui a sapé la popularité et la crédibilité de l'ancien président Martin Vizcarra.
Les Péruviens voient en ces élections un moyen de sortir de la crise politique et des confrontations qui se poursuivent depuis 2016 mettant en péril l'économie et l'espoir de voir une stabilité politique et économique, des aspirations qui contrastent avec le mécontentement général des électeurs qui ne permettrait à aucun candidat de l’emporter dès le premier tour.
Les sondages d'opinion donnent favori l'ancien membre du Congrès Yonhy lescano (centre-droit), mais sans les 15% nécessaire pour se faire épargner un deuxième tour. La course concerne également George Forsyth (centre-droit), Rafael López Aliaga (droite) et Keiko Fujimori (droite), Hernando de Soto (extrême droite libérale) et Veronica Mendoza (gauche) qui disputent une place au deuxième tour.
Les Péruviens redoutent un scénario similaire à celui qu'ils ont vécu au cours des cinq dernières années, caractérisé par une crise politique qui a mené à la destitution de trois présidents, la dissolution du Parlement et la méfiance des citoyens à l’égard de la classe politique.
De ce fait, les nouvelles autorités auront à faire face à des défis majeurs, certains anciens et d'autres provoqués par la pandémie, qui nécessitent des solutions basées sur le consensus et reflétant la volonté des Péruviens qui sera exprimée lors de ces élections.