Survenu le 25 mai 2020, cet évènement tragique, filmé par plusieurs passants, avait profondément bouleversé une Amérique en proie à ses vieux démons du racisme et de la brutalité policière, déclenchant une vague de protestations inédites à travers le pays depuis le mouvement des droits civiques. Le calvaire de l’Afro-américain de 46 ans a suscité émotion et colère à travers le monde.
Retransmis en direct à la télévision, sans public présent dans la salle à cause de la pandémie, le procès de Derek Chauvin monopolise l’attention des Américains, en particulier la communauté afro-américaine, en quête de justice pour Floyd. S’il est reconnu coupable, le policier blanc risque de passer plusieurs décennies en prison.
Depuis lundi, les témoins se succèdent à la barre pour un procès qui devrait durer quatre semaines. De simples passants aux personnels de premiers secours, les témoins ont détaillé, souvent la voix brisée, les derniers instants de vie de Floyd après sa rencontre fatidique avec la police de Minneapolis à l’extérieur de Cups Food, la supérette de quartier où tout a commencé.
Mercredi, Christopher Martin, un jeune employé afro-américain de 19 ans de cette épicerie, a fait part au tribunal de son "incrédulité" et de sa "culpabilité" lorsqu'il a vu Derek Chauvin s’agenouiller sur le cou de Floyd devant le magasin. Quelques minutes plus tôt, un collègue de Martin avait appelé la police après avoir soupçonné George Floyd d’avoir utilisé un faux billet de 20 dollars pour acheter des cigarettes.
Une autre témoin, Genevieve Hansen, une secouriste, a raconté comment elle s’est approchée des trois policiers agenouillés sur George Floyd pour leur offrir son aide. Après qu'elle se soit identifiée, Hansen a révélé que l’un des trois policiers, Thou Thao lui avait répondu: "Si vous êtes vraiment une secouriste de Minneapolis, vous sauriez qu’il vaut mieux ne pas vous en mêler".
Hansen a affirmé avoir supplié à plusieurs reprises les officiers, y compris Chauvin, de vérifier le pouls de Floyd pour voir s'il avait besoin d'un massage cardiaque après avoir remarqué qu’il avait "un niveau de conscience altéré". En vain.
Donald Williams, 33 ans, est un combattant de MMA (arts martiaux mixtes) qui était présent sur les lieux du crime. Il a raconté aux jurés comment il a tenté, à moult reprises, de persuader Chauvin de lever son genou du cou de Floyd. Le témoin, expert en arts martiaux, a expliqué que cette technique, dite "blood choke", vise à mettre hors d'état de nuire un adversaire en arrêtant la circulation de l'air de la tête vers le reste du corps.
Face à ces témoignages glaçants, la défense a contesté la thèse de l'accusation selon laquelle Chauvin était responsable de la mort de Floyd, affirmant que l'autopsie ne présentait "aucun signe révélateur" d'asphyxie par le genou de l’officier.
Dans son allocution à l’ouverture du procès, l'avocat de Chauvin, Eric Nelson, a expliqué aux jurés qu'il présenterait des preuves que Floyd est mort d'une combinaison d'intoxication aux drogues, de maladie cardiaque et d'hypertension artérielle. L'adrénaline qui s'est répandue dans son corps lors de son altercation avec la police "a contribué à compromettre davantage un cœur déjà mal au point", a-t-il avancé.
La défense s’appuie sur une stratégie bien huilée qui consiste à blâmer l’addiction de Floyd aux opiacés, un fait qui n’a pas été contesté par sa compagne, Courteney Ross, jeudi à la barre.
"Notre histoire, c'est une histoire classique de la façon dont beaucoup de gens deviennent dépendants des opioïdes. Nous souffrions tous les deux de douleurs chroniques. La mienne était dans mon cou et la sienne dans son dos", a-t-elle confié au tribunal.
Dans son autopsie, le médecin légiste qui devrait être un témoin clé dans l'affaire, a noté la présence de drogues dans l'organisme de Floyd, notamment du fentanyl et de la méthamphétamine.
Pour la plupart, les témoignages ont été accablants pour Derek Chauvin. Notamment celui de Jena Scurry, une répartitrice de la police qui a alerté son supérieur hiérarchique après avoir observé dans les caméras de surveillance Chauvin agenouillé sur le cou de Floyd pendant de longues minutes.
"Vous pouvez m'appeler une moucharde si vous voulez", a déclaré Scurry à son chef au moment de l'incident. Lundi, elle a répété la même chose au tribunal: "mon instinct me disait que quelque chose n'allait pas".