Tenu sous le thème "Le mariage précoce de la jeune fille marocaine, un phénomène en croissance", ce symposium a réuni des économistes, des sociologues, des médecins, des magistrats, des avocats et des acteurs de la société civile, et constitué un moment de partage d’expériences et de réflexion sur une problématique qui suscite, plus que jamais, de par sa nature et ses enracinements, un grand intérêt.
Parmi les recommandations proposées lors ce symposium, Abdelhak Terrab, past district gouverneur du Lions Club Maroc, a cité le développement et l'amplification des campagnes de sensibilisation et l'inscription de cette problématique comme une partie intégrante de la politique générale de l'éducation.
Il s'agit aussi de la promotion du débat public sur les questions "socio-culturelles" liées au mariage et à la sexualité et l'adoption dans le texte de loi l’expression "mariage d’enfants" en lieu et place du mariage de mineurs ou de mariage précoce, afin de lever toutes les ambiguïtés.
Il a aussi appelé à abroger les dérogations et sévir pénalement à toute infraction, à éradiquer les mariages informels d’enfants dits mariages "Orf" ou "avec Al Fatiha" et les mariages dits par "contrats" et à lutter contre l’abandon scolaire et l'analphabétisme de la petite fille.
M. Terrab a, en outre, mis l'accent sur la nécessité d'autonomiser la femme pour une autonomie financière et pour sa dignité et d'intégrer dans le nouveau modèle de développement une nouvelle conception de mariage.
Intervenant à cette occasion, la ministre de la Solidarité, du Développement social, de l'Egalité et de la Famille, Jamila El Moussali, a salué la tenue du symposium pour décortiquer un sujet délicat.
Elle a mis l’accent sur la nécessité d'associer l'université marocaine à toutes les actions entreprises pour lutter contre ce fléau inquiétant, précisant que l’implication du monde académique est de nature à permettre de traiter ce phénomène en profondeur et de comprendre son occurrence spatiale.
Ainsi, il faut faire participer des professeurs et des étudiants relevant de différentes universités marocaines pour lever le voile sur le mariage précoce des enfants, a-t-elle dit, appelant à renforcer la lutte contre l’abandon scolaire, qui constitue le nœud de ce problème.
Mme Moussali a, d’autre part, indiqué que son ministère a mis en place plusieurs espaces aménagés au profit des femmes pour servir à mettre en avant le rôle des femmes au sein de la société et pour que ces dernières jouissent pleinement de leurs droits.
Pour sa part, la ministre de l'Aménagement du Territoire national, de l'Urbanisme, de l’Habitat et de la Politique de la Ville, Nouzha Bouchareb, a indiqué que le sujet du mariage précoce interpelle le gouvernement, la société civile et tous les acteurs concernés à renforcer le débat et à mettre en place tous les outils et les mécanismes permettant de cerner cette problématique.
Ce symposium se veut l'occasion de voir dans quelle mesure les solutions apportées devraient être des solutions intégrées prenant en considération tous les aspects, qu'ils soient sociaux, culturels ou économiques permettant à la jeune fille d'avoir ses droits les plus légitimes liés à l'éducation et à la santé, a relevé Mme Bouchareb.
En effet, la protection des droits des mineurs, quel que soit leur sexe, est la responsabilité de tout un chacun, a fait observer la ministre, notant que cette question appelle à une mobilisation collective pour sensibiliser les familles au fait que le mariage des enfants mineurs ne permet pas de résoudre les problèmes familiaux, mais constitue plutôt un lourd fardeau supplémentaire pour la société.
Dans le cadre de la mise en œuvre des Hautes directives royales, le gouvernement a déployé ses efforts en vue promouvoir le niveau de toutes les catégories sociales, en particulier les femmes et les filles, a-t-elle relevé.
De son côté, le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), M. Ahmed Reda Chami a souligné que cette rencontre traite d’un sujet épineux et sensible, où se mêlent des considérations d’ordre social, juridique, économique et culturel.
M. Chami a, dans ce sens, regretté qu’à l’heure actuelle, 12 millions de filles dans le monde se marient encore chaque année, que toutes les 7 secondes, une fille de moins de 15 ans se trouve dans l’obligation de contracter un mariage et que plus d’un million de filles deviennent mères avant cet âge.
"Au Maroc, plus de 30.000 autorisations sont accordées annuellement pour conclure un mariage de filles mineures, ce qui signifie que l’enfance de ces filles prend abruptement fin chaque année", a-t-il déploré.
Ces enfants mariés sont triplement pénalisés : en tant qu’enfants, en tant que futures femmes et en tant que futures mères, a affirmé M. Chami.
Pour y remédier, explique le président du CESE, le Maroc s’est engagé progressivement mais résolument sur la voie de la démocratie et du respect des droits humains, notamment à travers la Constitution qui a permis la consécration de l’égalité entre les hommes et les femmes, la reconnaissance des droits de l’enfant et la primauté du droit international.
Il a, dans ce contexte, relevé qu’il est grand temps pour la société marocaine de concrétiser davantage cette dynamique vertueuse et d’assurer par tous les moyens la pleine protection des enfants, tout appelant à multiplier les efforts pour résoudre efficacement ce problème et atteindre les objectifs de développement.
Pour sa part, M. Khalil Hachimi Idrissi, Global Leadership Team (GLT)-past-gouverneur du Lions Club International, a indiqué que cette thématique cruciale s’est imposée "à nous tellement la croissance de ce phénomène de société, le mariage précoce des jeunes filles, est devenue statistiquement significative".
"Cette croissance mènera à plus d’enfants frustrés ou malheureux, dont l’enfance a été détournée, à plus d’échec scolaire, à plus d’analphabétisme, à plus d’abandon d’enfants à plus de mal-être etc.", a-t-il regretté.
La société paie, à un moment ou à un autre, le prix fort pour ces vies d’adulte dont ils ne maîtrisent pas les codes ni les défis, a ajouté M. Hachimi Idrissi, notant que "nous sommes face à une réalité complexe, difficile à cerner, nécessitant des approches multiples et pluridisciplinaires et dont les solutions ne peuvent être simples, évidentes et expéditives".
Pour donner place aux discussions et au débat, M. Hachimi Idrissi a posé plusieurs questions, notamment comment limiter ce phénomène ? Atténuer son impact sur des vies brisées ? Quelle approche législative efficace adoptée ? Comment le faire légitimement sans heurter les us et coutumes historiquement enracinés ?
L'organisateur du Symposium, Karim Essakalli, gouverneur du District 416-Maroc, a indiqué que cette rencontre, initiée dans le cadre des activités socioculturelles de Lions Club International, District 416-Maroc, a offert l'occasion de se pencher sur le mariage précoce de la fille marocaine, qui devient un "phénomène en croissance".
Il a tenu à mettre en exergue l'importance des sujets abordés à travers les différentes tables rondes programmées, notamment le panel culturel, législatif et socio-économique, se félicitant de la richesse du débat consacré à ce fléau, partant de "notre place de la société civile", a-t-il affirmé.
Ce symposium a articulé ses débats autour de trois panels correspondant aux trois approches clés : les approches socio-économiques, législatives et culturelles.
Le Lions Club qui porte plusieurs actions de bénévolat sur le terrain en matière de santé, d’éducation et de lutte contre les précarités, s’inscrit naturellement dans ce cheminement et aspire, au terme de ce symposium, concourir à enrichir le débat et à ouvrir de nouvelles perspectives.