Plus de 97% de la population chilienne est soumise à un confinement inédit, même au plus fort de la pandémie, suite à une hausse vertigineuse des cas testés positifs et des hospitalisations et l'arrivée dans le pays des nouveaux variants du virus plus virulents.
Fait rare, le président chilien, Sebastien Pinera, a conduit la conférence de presse quotidienne sur la pandémie pour avertir ses concitoyens sur les dangers qui les guettent. « Nous savons que c'était une année difficile et douloureuse. Mais je veux être honnête avec vous, les jours et les semaines qui viennent le seront aussi ».
Le ministère chilien de la Santé a recensé samedi plus de 7.580 nouveaux cas de COVID-19, soit le deuxième bilan quotidien le plus lourd depuis l’apparition de la pandémie dans ce pays. Le nombre cumulé des cas testés positifs depuis le début de la pandémie frôle un million de personnes, dont 22.754 sont décédés.
Pinera a reconnu devant ses compatriotes que le système de santé est au bord de l’effondrement avec un taux d’occupation de 96% à cause de l’afflux grandissant des malades en détresse respiratoire et nécessitant hospitalisation.
La situation est tellement compliquée que le président Pinera a annoncé dimanche soir avoir déposé un projet de réforme constitutionnelle au Congrès pour ajourner les élections prévues les 10 et 11 avril prochain. L’éventuelle campagne électorale pour ce scrutin crucial est perçue comme un accélérateur de transmission du virus mortel, notamment ses variants très contagieux qui sont en circulation depuis des semaines dans le pays.
Auparavant, le chef de l’Etat avait laissé entendre que le scrutin pourrait être reporté parce que l’Etat doit « privilégier la santé et la vie » des chiliens, en attendant que les effets de la campagne de vaccination inédite dans le sous-continent se fassent sentir.
Le Chili a réussi à vacciner jusqu’à présent 6.378.562 personnes, 51,1% ont déjà reçu la deuxième dose. Regardé avec beaucoup d’admiration par ses voisins pour le rythme rapide imprimé à sa campagne de vaccination, le Chili peine à résoudre cette équation unique dans le monde. La propagation du virus semble avancer de manière proportionnelle à la vaccination de la population.
Ce paradoxe insondable s’ajoute à un hasard de calendrier qui veut que la deuxième vague du virus coïncide avec des échéances électorales cruciales pour l’avenir du pays.
Cette épée de Damoclès des échéances électorales (Assemblée constituante, les municipales et les régionales) augmente la pression sur les gouvernants chiliens.
Ils sont appelés à concilier les impératifs de la politique pour préserver le modèle de démocratie chilienne, et ce en respectant le calendrier électoral, et en même temps, anticiper les dangers d’une perte de contrôle de la situation. Une cadrature de cercle qui suscite depuis quelques jours un débat animé entre les différents partis chiliens.
L’hyperbole utilisée par un sénateur chilien (Guido Girardi) reflète parfaitement la température des débats autour des élections dans le contexte de la pandémie. "La santé de la population est importante, mais la santé de la démocratie est aussi importante", s’est-il exclamé en allusion à un éventuel report des élections qui serait préjudiciable aux institutions démocratiques.
Un sondage réalisé la semaine dernière a montré que 7 chiliens sur 10 sont favorables à un report des élections à cause de la pandémie, ce qui fait craindre une faible participation au scrutin si les dates initiales sont maintenues.
La majorité des protagonistes de la scène politique chilienne ont renvoyé la balle dans le camp du gouvernement, surtout du président, tout en disant privilégier les facteurs sanitaires avant toute prise de décision sur une question éminemment politique.
Le président vient de trancher. Son projet de réforme constitutionnelle propose un report des élections de 33 jours (15 et 16 mai). L’ajournement des élections proposé par Pinera n’affecte pas le calendrier des scrutins présidentiel et législatif prévus en juillet prochain.
La vraie question qui devra être tranchée par le Congrès est de savoir si la pandémie aura raison du calendrier électoral en Chili.