Dans un entretien à la MAP, Tarek Harroud, professeur à l'Institut national d'aménagement et d'urbanisme, apporte des éclairages, entre autres, sur les défis auxquels font face les villes nouvelles.
- Quel regard portez-vous sur l'expérience des villes nouvelles au Maroc, du point de vue des propriétés régionales en matière d'urbanisme et d'intégration au tissu urbain en place?
Il serait judicieux, d'abord, de distinguer deux types de villes nouvelles, celles lancées par le ministère de l'Aménagement du territoire national, de l'urbanisme, de l'habitat et de la politique de la ville par le biais du groupe Al Omrane, qui sont en nombre de quatre et celles qui sont régulièrement lancées par des acteurs publics ou semi-publics.
En ce qui concerne les projets initiés par Al Omrane, elles font face à un certain nombre de défis à bien des niveaux, notamment institutionnel, juridique et financier. L'un de ces principaux défis consiste en la programmation de ces opérations dans le cadre d'une planification régionale et territoriale, à l'instar de nombreuses expériences internationales en la matière.
En effet, au lieu de prendre en considération les paramètres territoriaux liés au domaine de l'emploi, au bassin démographique et à la préservation des ressources naturelles et des terrains agricoles, ces projets sont lancés de façon "régulière" dans un cadre d'urbanisme lié aux opportunités offertes par l'assiette foncière.
En l'absence d'une réelle volonté politique, d'un cadre organisationnel adéquat, d'un mode de gouvernance à multiples acteurs et d'une capacité d'intervention des entreprises en charge de la construction de ces villes, ces projets risquent d'être réduits à de simples opérations immobilières accentuant les disparités sociales, géographiques et économiques.
- Sur le plan de l'impact économique, comment les villes nouvelles peuvent-elles déclencher une dynamique dans les secteurs productifs et encourager la solidarité territoriale ?
Le principal objectif des villes nouvelles est de lutter contre la problématique des logements insalubres. Ainsi, l'aspect économique a une importance secondaire dans ces projets. Ce qui donne lieu à des villes dortoirs aux arrière-pays des grandes villes.
L'absence d'une politique claire dans la construction de ces villes, explique l'absence d'une convergence des politiques publiques dans ce sens.
Ainsi, afin d'attirer les investisseurs et réaliser une dynamique économique, ces villes doivent être attractives du point de vue de l'accessibilité territoriale, à travers la mise en place d'infrastructures de transport (gares ferroviaires, autoroutes...)
- Quels sont les principaux enjeux que les villes nouvelles devraient affronter au futur afin de s'adapter aux mutations qui s'imposent?
En plus du risque de se transformer en villes dortoirs isolées de leur environnement et consacrant les disparités territoriales, les villes nouvelles pourront, également, faire face à des problèmes liés au tissu démographique, à la précarité sociale et économique, en plus de la durabilité en ce qui concerne la préservation et la valorisation des ressources naturelles.
Face à ces enjeux, les villes nouvelles doivent adopter un mode de gestion adéquat, renforcé par un dispositif institutionnel disposant de toutes les prérogatives nécessaires et une instance de gouvernance qui veille sur l'implication des différentes forces vives de la région.