L'action des Afro-Américaines dans le monde de la politique a toujours visé l’égalité pour tous, souligne la directrice du département d'histoire à l'Université du Texas à Austin, Daina Ramey Berry.
"Par le passé, le travail des femmes noires en politique n’était pas seulement axé sur les Noirs. Il était axé sur l'égalité pour tous", a indiqué Mme Berry, qui s’exprimait lors d’une conférence virtuelle intitulée "De l’esclavage à Stacey Abrams: l’année de la femme noire", organisée par le Centre de la presse étrangère à Washington dans le cadre de sa série d’événements "Understanding America" (Comprendre l'Amérique).
"Cette idée est centrale à la compréhension du travail qu’a accompli aujourd’hui Stacey Abrams", a souligné la professeur d’Histoire, en référence à l’ancienne candidate malheureuse au poste de gouverneur de Géorgie en 2018, qui a réussi, depuis sa défaite électorale, à mobiliser la population afro-américaine de cet État du sud-est des États-Unis, traditionnellement républicain.
L’engagement de Mme Abrams est considéré comme crucial dans la réussite des Démocrates à remporter les deux sièges du Sénat en jeu en Géorgie, et dans la victoire de Joe Biden à la présidentielle.
"L'enregistrement des électeurs qu'elle a fait est un travail mené par des femmes noires au tournant du siècle dernier. Elles organisaient des campagnes similaires à partir de leurs garages et dans leurs églises. Elles sortaient et s'assuraient que les gens étaient inscrits pour voter", a-t-elle rappelé.
"Cet héritage, dont Stacey Abrams fait donc partie, est le fruit de presque cent ans de militantisme de la part des femmes noires", a relevé la spécialiste du genre dans l’esclavage et de l’histoire des femmes noires aux États-Unis.
"Souvent exclues, les femmes noires trouvaient alors leurs propres moyens de militer et de créer leurs propres organisations, travaillant souvent sur plusieurs fronts. Elles ont milité contre l’esclavagisme ainsi que pour le suffrage universel, pour les droits de leurs enfants, la citoyenneté et contre la ségrégation raciale", a ajouté Mme Berry.
L'universitaire a poursuivi que "les femmes noires créaient toujours leurs propres institutions, et je pense que c’est vraiment important lorsqu’on essaie de comprendre l’héritage de personnes comme la vice-présidente Kamala Harris et Stacey Abrams".
"Pendant l’esclavage, les femmes noires réclamaient justice et luttaient pour la liberté, elles se battaient pour que leur voix soit entendue, elles se battaient pour protéger leur corps, elles se battaient pour protéger leurs familles", a-t-elle enchaîné.
Dans un rappel du passé douloureux de la traite négrière, l'universitaire a souligné que "les Afro-Américains se sont toujours battus pour leurs droits. Ils se sont battus quand ils étaient en Afrique, encore au sein de leurs communautés. Ils se sont battus lorsqu'ils ont été capturés et embarqués sur des navires. Ils se sont battus lors du passage du Milieu".
Aujourd'hui, Mme Berry se dit à la fois "très impressionnée et rassurée" de la visibilité dont jouit la vice-présidente américaine, Kamala Harris, aussi bien lors des réunions que pendant les séances de photos.
"Je pense que c’est très important, car pour les jeunes filles noires du monde entier, la représentation est si importante", a-t-elle affirmé, notant que la première femme vice-présidente des États-Unis donne espoir qu’il n’y a pas de limite en matière d’ambition et de projet de carrière.
Avant d'être la première femme vice-présidente des États-Unis, Mme Harris a d’abord été la première femme noire à être élue procureure de district en Californie, la première procureure générale de Californie et la première sénatrice d'origine indienne.
Par ailleurs, la nomination par Joe Biden de deux femmes à la tête de commandements militaires américains est en parfait accord avec cette politique visant à renforcer la représentation féminine dans les hautes fonctions publiques.
"C'est difficile d'être ce que vous ne pouvez pas voir", a déclaré le président américain lors d’une allocution prononcée à la Maison Blanche à cette occasion, ajoutant que "chacune de ces deux femmes a fait carrière en démontrant des compétences, une intégrité et un sens du devoir incomparables".
Il est important que les jeunes femmes commençant leur carrière dans le service militaire sachent qu'aucune porte ne leur sera fermée, a affirmé M. Biden.
"Une partie de ce que nous avons vécu au cours des quatre dernières années a été le retour de flamme d'une présidence d’Obama", a, par ailleurs, fait savoir Mme Berry, disant craindre "qu'il y ait des réactions négatives pour une vice-présidente afro-américaine et sud-asiatique".
"J'espère que ce ne sera pas le cas, mais c'est historiquement ce que nous avons relevé. A chaque fois que vous avez des réussites et des succès afro-américains, il y a généralement une sorte de contrecoup qui suit", a-t-elle prévenu, signe que malgré les améliorations, le chemin vers la parité et la diversité reste encore long.