"Le code de la famille, qui est sans aucun doute le reflet inexorable et douteux d'une longue lutte heurtée faite de polémiques et de nombreux projets inaboutis, institutionnalise l’inégalité des sexes et réduit la femme à une -irresponsable civile- et une mineure à vie", explique cet avocat et enseignant universitaire dans un article intitulé "Violences faites aux femmes ou la discrimination institutionnalisée ?".
L’article, publié sur les colonnes du journal algérien "Liberté" en réaction à la montée en flèche des féminicides dans le pays, explique que ce texte est la conséquence logique des rapports de force, de la fuite en avant des pouvoirs publics et des tergiversations et louvoiements qui ont miné le champ politique et public algérien.
Il estime que de point de vue matrimonial, le droit algérien de la famille confine la femme dans un statut de minorité au sein de cet espace privé et perpétue à son égard des "discriminations criardes" à travers la formation de la relation matrimoniale et les diverses institutions qui la régissent, la rupture de cette relation et ses effets.
Il fait observer que le statut personnel, eu égard à sa nature et au champ de son application, demeure le domaine qui cristallise le plus de divergences d’ordre sociétal, notant que le code de la famille, adopté à la hussarde et dans la confusion, reste à ce jour problématique.
Il rappelle que dans ses rapports présentés aux Nations unies en 2005 et 2010, le gouvernement algérien a reconnu les discriminations et incohérences que véhicule le Code de la famille, soulignant qu’il s’agit d’un "constat au demeurant officiel qui ne souffre d'aucune ambiguïté".
Aujourd’hui encore, la situation de la femme est exacerbée par une régression de l’enseignement et l’hégémonie des islamo-baâthistes sur le système éducatif, un droit d’association plus que limité, une participation des femmes au travail encore faible ponctuée par une exclusion manifeste des postes de responsabilité et un environnement de violences à l’égard des femmes menant à des états d’extrême marginalité et précarité, regrette-t-il encore.
Il explique que c’est pourquoi, la place de la femme dans la famille se répercute fatalement sur sa condition dans la société et, de façon générale, sur l'exercice de ses droits socio-économiques, culturels et politiques.
Dès lors, dans la réalité, c'est l'infériorité juridique de la femme dans la cellule familiale qui est à l'origine des discriminations et inégalités dont elle fait l'objet dans l'espace social, économique et public, estime ce juriste.
L'irruption sociale de la femme, induite par l'essor de la scolarisation des jeunes filles, n'a pas été accompagnée par une réelle représentation politique, encore moins par l’égal accès aux fonctions et aux emplois de l'Etat, déplore-t-il, faisant remarquer que la présence des femmes dans les différents gouvernements a toujours été symbolique.
Il estime que cette faible présence s’explique par le fait que toutes les réformes allant dans le sens de l'égalité des sexes et de l'émancipation des femmes se sont heurtées à un "obstacle fait de pathos religieux, coutumier ou ancestral qui oppose une tradition assimilée à soi-même, à l'authenticité, contre l'universel, considéré comme l'Autre, l'agresseur".
Accepter toutefois un statut qui légalise la minoration de la femme, c'est renoncer à la modernité et à la volonté de se rapprocher des standards et de "l'idéal universel commun à atteindre", au sens du préambule de la Charte des Nations unies, met-il en garde.
Il considère les formules de la parité, imposées comme effet de mode de façon autoritaire et unilatérale, comme une manœuvre dilatoire qui suscite suspicion et dérision dans la société du fait qu’elles ne reposent pas sur le principe de l’égalité comme intérêt stratégique des femmes.
Selon lui, "leur mise en œuvre dans un contexte politique ankylosé, marqué par le verrouillage du champ politique, médiatique et syndical et où la fraude est érigée en principe implacable et immuable, relève de la fumisterie".
C’est plus qu’une arnaque visant à voiler les violences juridiques, sociales et politiques contre les femmes, souligne-t-il.
Il fait remarquer que les dernières réformes arborées sont un "leurre qui ne trompe plus personne" et confirme, si besoin est, que le combat des Algériennes n’est pas encore à son terme, et qui révèlent, également, aux yeux de l’opinion nationale et internationale, le retard qu’accuse l’Algérie comparativement aux voisins marocain et tunisien en la matière.