Støjberg, (48 ans en mars prochain), devra comparaître devant la Cour spéciale de justice pour avoir illégalement ordonné la séparation d'office de couples de demandeurs d'asile, en violation des dispositions des lois en vigueur.
Il y a une semaine, une majorité de députés au Folketing, y compris de son propre parti libéral (Venstre), ont voté pour le renvoi devant la Justice de l’ancienne Dame de fer qui, sous son mandat, 23 couples, dont la différence d'âge était majoritairement peu importante, ont été séparés en 2016, sans examen individuel de leur dossier.
Adulée par les uns, honnie par d’autres, Støjberg, continue de narguer, de fasciner malgré, et peut-être en raison, de sa chute brutale.
"Une grande majorité me trouve coupable mais contrairement à vous, je sais que je n'ai pas ordonné quelque chose d'illégal", a-t-elle lancé devant l'hémicycle, assurant que "je suis intervenue et j'ai fait ce que je maintiens être la seule chose politiquement et humainement juste à faire".
Née dans une famille d’agriculteurs à Hjerk, dans le Jutland central, elle a toujours défendu les valeurs du terroir, celles qu’elle croit fondatrices du royaume scandinave de 5,8 millions d’habitants, le pays qu’elle entend "prémunir" contre l’immigration et les tenants d’un "multiculturalisme débridé".
Parallèlement à une formation en administration des affaires, elle a travaillé en tant que journaliste indépendante, sans jamais se départir de sa vocation politique, un domaine qu’elle a investi dès sa tendre jeunesse.
Outre ses occupations locales, elle entre au Parlement en 2001, l’année où Venstre revient aux affaires, avec le soutien des populistes du Parti du peuple danois, inaugurant ainsi le durcissement de la politique d’immigration qui n’a cessé depuis.
Membre du Conseil de l’Europe (2001/2005), elle est vice-présidente de son groupe parlementaire (2005/2007), puis rapporteur politique et membre du Conseil de la politique étrangère du parti de 2007 à 2009.
Ministre de l’Emploi et de l’égalité des genres (2009/2010), puis ministre de l’Emploi (2010/2011), elle est rapporteur politique de Venstre (2014/2015), et ministre de l’Immigration et de l’intégration de 2016 à 2019.
Regard perçant, sourire intrigant, le tout ceinturé d’une coiffure chignon, Støjberg a toujours indisposé par son franc-parler, au point de secouer une classe politique plutôt encline au politiquement correct.
Toute jeune (24 ans), elle a rudoyé lors d’un débat télévisé les politiciens pour les faire sortir de leur zone de confort et prendre langue avec "les gens ordinaires".
De son expérience de journaliste, elle a acquis l’art de désarmer ses détracteurs, au risque de les tourner en dérision. Alternant mensonges éhontés, propos choquants et humour cynique, elle ne recule devant rien pour défendre ses propos.
En 2009, au moment où tout le monde savait que l’ancien Premier ministre Anders Fogh Rasmussen briguait le mandat de Secrétaire général de l’OTAN, Mme Støjberg, alors rapporteur politique du parti, claironnait contre vents et marées qu’il n’en était rien. Un déni qui lui a valu le sobriquet de "Comic Inger", en allusion au tonitruant ministre de l’Information de Saddam Hussein, lors de l’intervention américaine en Irak.
En mars 2017, elle poste sur sa page Facebook une photo d’elle, tout sourire, avec un gros gâteau recouvert d’un nappage au chocolat, décoré d’un drapeau danois et d’un "50" en massepain.
"Aujourd’hui, j’ai réussi à faire ratifier le cinquantième amendement qui durcit le contrôle de l’immigration. Ça se fête !", dira-t-elle, sur un ton imperturbable.
Mais le clou du spectacle aura été l’adoption, en janvier 2016, par une écrasante majorité du Floketing d’une série de mesures, dont une obligeant les demandeurs d'asile nouvellement arrivés au Danemark à remettre des objets de valeur (bijoux, montres, or, etc.) pour les aider à payer leur séjour dans le pays ; une mesure assimilée par le Washignton Post à la spoliation des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale.
Adepte de la controverse, Mme Støjberg s’est ostensiblement distancée de la campagne populaire "Metoo", qui a secoué le Danemark l’été dernier.
Mieux, puisant dans la rhétorique chère à Donald Trump, elle a lancé, en novembre dernier devant une caricature de la Première ministre du pays : "Nous devons assécher le marécage du pouvoir et de l'arrogance de Mette Frederiksen".
Difficile de dire si c’était la provocation de trop qui a précipité sa chute. Poussée à la démission de la vice-présidence du parti Venstre, elle a fini par quitter cette formation, tout en maintenant son poste de député au Parlement.
Une chose est pourtant sûre : l’ex-ministre peut toujours compter sur le soutien de deux formations d'extrême-droite, le Parti du peuple danois et Nye Borgerlige (Nouvelle Droite) qui, toutes deux, sont prêtes à l’accueillir à bras ouverts.