La cancel culture est un “buzzword” qui trouve son origine dans la culture anglo-saxonne. Il s'agit de supprimer ou même ternir l’image d’un individu à cause d’une opinion impopulaire, d’un tweet déplacé ou encore d’un acte considéré comme infamant au point de créer un nouvel ordre moral.
La cancel culture prend une toute autre dimension avec les réseaux sociaux, du mouvement #MeToo à l’affaire George Floyd en passant par Donald Trump, la pratique du "cancelling" s’impose comme un phénomène nouveau.
M. Abdessamad Moutei, enseignant chercheur à l’Institut Supérieur de l’Information et de la Communication de Rabat, considère cette tendance "très liée aux pratiques identitaires et aux inégalités sociales, devenant ainsi plus que jamais un phénomène de société. Il s'agit, selon lui, d'une "forme d'activisme rendu de plus en plus accessible avec les multiples outils disponibles sur le web".
Les réseaux sociaux ont été le berceau de cette forme de protestation, contribuant grandement à sa prolifération, particulièrement Twitter où d’anciens posts peuvent refaire surface et condamner son auteur.
Chose que M. Moutei corrobore dans un commentaire en déclarant que "les réseaux sociaux en particulier, et le web en général, ont fait que cette culture de bannissement s’exerce comme une nouvelle forme de pouvoir qui a un impact direct sur les hommes politiques, les hommes d’affaires, les artistes, les universitaires, les chercheurs, les sportifs, ... Les exemples en sont nombreux".
Néanmoins, cette culture de bannissement déborde de plus en plus en dehors de son champ de bataille initial, c’est-à-dire des réseaux sociaux, et s’exprime aujourd’hui dans la vie réelle, puisque personne n'est à l’abri de la “Cancel Culture". Les célébrités, des individus lambda usant d’internet et personnalités politiques, tout le monde y passe !
Abondant dans le même sens, M. Moutei estime qu’"au-delà des réseaux sociaux, c'est l'ensemble des contenus publiés sur la toile qui sont à prendre en compte."
L’exemple le plus récent est l’insurrection au Capitole le 6 janvier dernier. L’incident est une conséquence de la cancel culture, puisque les assaillants ont voulu se rendre justice eux-mêmes en dehors du monde virtuel, entraînant ainsi l'exclusion de l’ex-président des États-Unis des réseaux sociaux pour non-respect de leurs conditions générales d'utilisation (CGU).
A cet égard, le professeur affirme que "cette culture de dénonciation qui se rencontre dans le monde physique et sur les médias sociaux, provoque un grand débat non seulement aux États-Unis mais également dans d’autres pays".
"Si certains individus ou groupes sont jugés responsables d'actions ou de comportements perçus comme problématiques, avons-nous le droit de les dénoncer publiquement ? Ne s’agit-il pas d’une pratique annihilant tout débat public ?", s’interroge-t-il.
La culture de l'annulation tend à se transformer en une sorte de censure aux conséquences fâcheuses. En causant un bon nombre de dommages qui vont des démissions aux renvois, et des manifestations aux révoltes, elle pousse plusieurs intellectuels à s'inquiéter sur ses répercussions sur la liberté d’expression.
Face à tout l'engouement que suscite la “Cancel Culture”, force est de constater qu'on sous-estime le pouvoir des réseaux sociaux et la nécessité de relancer le débat sur leur cadre légal afin d'en dessiner les limites.