Des voitures, des camions de fret et des piétons s’entremêlent dans des files d'attente sans fin dans l'espoir de traverser vers l'autre côté de la frontière.
Les images largement relayées par les réseaux sociaux et les médias locaux montrent des populations désespérées qui essaient de traverser vers l'Afrique du Sud, que ce soit de manière légale ou illégale, notamment après le confinement mis en place par plusieurs pays de l'Afrique australe suite à la recrudescence des infections au Covid-19.
À Beitbridge, un des principaux postes-frontières entre l’Afrique du Sud et le Zimbabwe, l'afflux a créé un énorme retard dans le traitement de la documentation et la réalisation des tests et du dépistage de la Covid-19, ce qui a contraint des milliers de personnes à s'entasser sans distanciation sociale et souvent sans port de masques.
La situation est tout aussi inquiétante au poste-frontière de Lembobo, entre l'Afrique du Sud et le Mozambique. Sous une chaleur de plomb, les files d'attente de camions et de véhicules légers s'étendent désormais sur plus de 25 km des deux côtés, prenant en otage des milliers de personnes qui manquent d'eau, de nourriture et des services d'hygiène de base.
«La situation à la frontière est inhumaine», a déclaré à la MAP l'un des chauffeurs de poids-lourds, qui a été bloqué pendant 10 jours à Beitbridge, expliquant que «dans les meilleurs des cas, la file d'attente se déplaçait de 200 mètres par jour».
En outre, a-t-il expliqué, «un arrêt de quatre heures est imposé lorsqu'un cas positif de coronavirus est détecté. Pendant cette durée, la frontière est fermée pour être désinfectée et toute activité est interrompue».
En réaction à cette situation chaotique, la Fédération des associations du transport routier d'Afrique orientale et australe (FESARTA) et l'Association sud-africaine des transitaires (SAAFF) ont accusé le gouvernement sud-africain de négligence, appelant les autorités à intervenir de manière urgente pour décongestionner le trafic et éviter une «catastrophe humanitaire» imminente.
Les conditions graves qu'éprouvent les chauffeurs des camions de transport de marchandises sont favorables à la prolifération des cas de la Covid-19 et menacent même de déclencher une épidémie de choléra, ont mis en garde les organisations du secteur dans une lettre adressée au ministre sud-africain de la Santé, Zweli Mkhize.
Dans une déclaration à la MAP, le directeur de FESARTA, Mike Fitzmaurice, a révélé qu’«il n'y a qu'un seul endroit pour faire le test de la Covid-19 avec un seul point d'entrée et de sortie», affirmant que «nous comprenons la nécessité de faire ces tests, mais le personnel frontalier est débordé et ne peut pas traiter tout ce nombre de personnes».
Par conséquent, a-t-il dit, plusieurs membres du personnel des départements des Affaires intérieures et de la Santé ont été infectés par le virus durant les dernières semaines, alors que les effectifs supplémentaires promis par le ministère de l'Intérieur n'ont toujours pas été envoyés.
Pour sa part, la présidente de la SAAFF, Juanita Maree, a fait état de pertes considérables pour l'économie sud-africaine avec près de 42 millions de dollars chaque semaine qui s'ajoutent aux 30 millions de dollars déjà perdus lors du blocage de 27 jours qui avait eu lieu en novembre.
Commentant cette situation, le président de la Commission parlementaire des affaires intérieures et membre du parti du Congrès national africain (ANC/au pouvoir), Bongani Bongo, a estimé que la fermeture des frontières reste la seule solution jusqu'à ce que des alternatives durables soient trouvées.
Mais les partis de l'opposition ne sont pas de cet avis. Mbuyiseni Ndlozi, membre de l'Economic Freedom Fighters (EFF), a rejeté les appels à la fermeture de la frontière, affirmant que ce serait un acte «inhumain» qui «engendrerait une crise humanitaire encore pire que la Covid-19».
Même son de cloche chez le principal parti de l'opposition, l'Alliance démocratique (AD) qui a appelé le ministre de l'Intérieur, Aaron Motsoaledi, à élaborer de toute urgence un plan pour faire face au «chaos total» aux frontières.
«Le ministre Motsoaledi aurait dû anticiper et planifier les effets du couvre-feu de verrouillage sur les migrations saisonnières qui ont lieu pendant cette période», a insisté la député de la DA, Angel Khanyile.
En effet, les longues files d'attentes aux frontières sud-africaines ne sont pas un phénomène nouveau. Cette situation qui revient chaque saison des fêtes (décembre/janvier) a été aggravée cette année par les restrictions imposées pour lutter contre la pandémie du coronavirus.
Dans ce contexte, l'Afrique du Sud ne semble pas très bien préparée à l'accord de libre échange continental africain (ZLECA) entré en vigueur le 1er janvier courant. Les pays de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC) seront appelés à déployer davantage d'efforts pour trouver des solutions durables aux mouvements de personnes et de marchandises à travers leurs frontières.