L'ampleur de la corruption, qui affecte tous les rouages de l'Etat, est tellement vaste que tout espoir d'assainir la vie publique relève de la chimère. Malgré les bonnes intentions affichées par les responsables, le pays n’a pas pu se départir de l'emprise de ce fléau qui a affligé son économie pendant de longues années.
Faut-il rappeler à ce sujet que l’ancien chef de l’Etat, Jacob Zuma, âgé de 79 ans, est soupçonné d’avoir généralisé le pillage des ressources de l’Etat, notamment en favorisant les affaires d’un sulfureux trio d’hommes d’affaires dont il est proche, les frères Gupta. Il a été poussé à la démission en 2018 et remplacé par Ramaphosa, qui a promis d'ouvrir une nouvelle ère qui rompt complètement avec les pratiques du passé.
Force est de constater que la mise en place en 2018 de la Commission judiciaire d'enquête sur la corruption en Afrique du Sud, dite commission «Zondo», n'a rien changé à la donne dans ce pays d'Afrique australe.
Cette Commission visait en fait à jeter la lumière sur le phénomène de «la Capture de l’Etat», qui renvoie aux vastes détournements de fonds de l’Etat par des hommes d'affaires, des politiciens et des fonctionnaires. Mais selon les observateurs, elle a jusqu'à présent soulevé davantage de questions qu'elle n'a apporté de réponses.
M. Zuma, qui avait refusé à de nombreuses reprises de répondre aux allégations au sujet de son implication présumée dans les affaires de corruption, a finalement daigné assister en novembre dernier aux audiences de la commission après avoir reçu une convocation contraignante.
D'ailleurs, sa présence à la commission n'est pas passé inaperçue. Il a créé une vive polémique dans l'opinion publique en décidant de quitter les audiences sans y être autorisé par le président de l'instance, le juge Raymond Zondo.
Suite à cette attitude qualifiée d'«ºirresponsable» par certains analystes, M. Zondo a fait savoir qu'une demande urgente a été adressée à la Cour constitutionnelle pour obliger l'ancien président à comparaître à nouveau devant laºcommission, notant que son audition est prévue duº18 au 22 janvier prochain.
La crise du Covid-19 est encore venue dénuder le phénomène de la corruption qui a encore pris des proportions alarmante dans le pays. Dans la foulée des préparatifs visant à faire face à l'impact socio-économique de la pandémie, un plan d’urgence a été présenté en avril dernier, doté d’une enveloppe budgétaire de 500 milliards de rands, soit 10 pc du Produit Intérieur Brut du pays.
Et bien que le Président a promis que le gouvernement veillera à ce que les fonds ne se retrouvent pas dans les poches des corrompus, plusieurs rapports font état d’une série de malversations graves au sujet de ce fonds, notamment lors de la passassions des marchés publics.
Toujours dans ce registre tristement célèbre de la corruption en Afrique du Sud, les services d'enquête de la ville de Johannesburg (GFIS) ont découvert que plus de 1500 fonctionnaires ont reçu de manière frauduleuse l'aide sociale spéciale de la Covid-19 ainsi que d'autres subventions, notamment des allocations familiales et des pensions sociales des vétérans militaires.
Pourtant, l'ONG Corruption Watch avait déjà tiré la sonnette d'alarme quant au risque de pillage des fonds publics induits par le manque de transparence et l'incapacité des structures de l'Etat de surveiller les marchés publics, notamment en ce qui concerne les achats d'urgence visant à atténuer l'impact de la crise sanitaire du coronavirus.
De son côté, Transparency International a déploré que ces fonds débloqués pour fournir des aides alimentaires aux nécessiteux et assurer une augmentation temporaire des subventions sociales pour plus de 16 millions de bénéficiaires, aient été pillés «sans vergogne».
En réaction, le Président de la république a donné le feu vert à l'Unité spéciale d'enquête (SIU) pour élucider les cas suspects. En octobre dernier, la SIU a annoncé qu'une enquête est menée sur plus de 10 milliards de rands (514 millions d'euros) de fonds publics dédiés notamment à l'achat des équipements de protection individuelle.
Mais dans l'opinion publique le mal était déjà fait. Plusieurs hauts responsables du parti au pouvoir «ANC», qui a longtemps lutté contre le régime de l'apartheid, sont actuellement poursuivis en justice pour des affaires de corruption. C’est particulièrement le cas du Secrétaire général du parti, Ace Magashule. Un mandat d'arrêt a été émis à son encontre pour son rôle présumé dans un contrat d’audit dont la valeur est estimée à 255 millions de rands (plus de 16 millions de dollars), alors qu'il était premier ministre de la province du Free State.
Cette affaire a été la goutte qui a fait déborder le vase, exposant au grand jour les divisions chroniques au sein du parti. Selon l'analyste politique sud-africain, Ralph Mathekga, l'ANC est actuellement plus divisé que sous l'ancien président Jacob Zuma.
Il a estimé, dans ce sens, que Magashule et ses partisans au sein du parti au pouvoir feront tout leur possible pour interrompre l'enquête menée par la Direction des enquêtes sur les crimes prioritaires (DPCI/Hawks).
L’ampleur de la crise socio-économique dont s’engouffre actuellement l’Afrique du Sud est venue remettre au devant de la scène l’ampleur de la corruption qui gangrène le pays. Mais à quand une véritable prise de conscience viendra affranchir les Sud-africains du danger que présente ce phénomène ?