Alors que les perspectives de croissance de l'économie sud-africaine se sont assombries dans ce contexte de crise sanitaire mondiale, la déclaration de la politique budgétaire à mi-mandat (MTBPS) présentée récemment au parlement par le ministre des Finances, Tito Mboweni, ne semble pas apporter des réponses satisfaisantes aux préoccupations des Sud-africains.
Le ton est donné par le ministre en affirmant que «nous ne pouvons pas permettre à notre récente faiblesse budgétaire et à la pandémie de se transformer en crise de la dette souveraine. Par conséquent, le gouvernement prend aujourd'hui des mesures actives pour éviter ce risque».
L'une des nouvelles inquiétantes annoncées par le MTBPS, aussi bien pour les citoyens que pour les entreprises, consiste à augmenter les impôts de manière graduelle jusqu'à 2025 dans l'espoir de reconstituer les caisses déficitaires du Trésor.
«Pour aider à la consolidation de la dette, le gouvernement a prévu des augmentations d'impôts de 5 milliards de rands (642 millions de dollars) en 2021/22, de 10 milliards de rands en 2022/23, de 10 milliards de rands en 2023/24 et de 15 milliards de rands en 2024/25», a expliqué le ministre. Parallèlement aux efforts déployés pour aider l'économie à se remettre de l'impact de la pandémie et du confinement strict qui a duré plus de trois mois, la fiscalité et les finances publiques doivent être réhabilitées.
Selon des données officielles, l'économie sud-africaine devrait se contracter de près de 8% durant l'année en cours, alors que la dette atteindra 81,8% du PIB.
Dans son budget à mi-mandat, l'argentier sud-africain a mis en garde que le gouvernement emprunte actuellement au rythme de 2,1 milliard de Rand (128 millions de dollars) par jour, ce qui constitue une situation insoutenable pour le budget de l'Etat, soulignant que la dette nationale brute devrait s'établir à 95,3% du PIB d'ici cinq ans.
L'autre mesure, très contestée, qui a été proposée consiste à mettre en place un «gel des salaires» dans le secteur public pour les trois prochaines années. Cette décision est susceptible de déclencher une nouvelle bataille politique entre le gouvernement et les syndicats.
La masse salariale du secteur public en Afrique du Sud a augmenté de 51% depuis 2008, alors qu'environ 1,3 million de fonctionnaires au niveau des départements nationaux et provinciaux ont nécessité 567 milliards de rands (36n milliards de dollars) en salaires et autres avantages durant l'exercice 2019/2020.
Par ailleurs, la rémunération moyenne de la fonction publique a plus que triplé, passant de 136.000 à 415.000 rands entre 2006 et 2020, une gestion des salaires qui est en déphasage avec la réalité économique du pays.
Force est de souligner que le gouvernement sud-africain est déjà impliqué dans une bataille judiciaire avec les syndicats du secteur public pour son refus de mettre en œuvre la troisième année de la revalorisation salariale signée en 2018. Par conséquent, la décision de gel des salaires compliquera la situation davantage.
Conscient de cette situation, l'exécutif en appelle à un «nouveau consensus» sur les salaires des fonctionnaires. «Nous avons besoin d'un débat national stratégique, qui prenne en compte les besoins du pays dans son ensemble. Nos compatriotes du secteur privé ont déjà fait des sacrifices et même négocié des réductions de salaire pour maintenir leurs entreprises à flot», souligne-t-on.
Cependant, de l'avis des économistes de l'agence financière Bloomberg, l’ampleur et le rythme de la consolidation budgétaire et fiscale envisagée par le ministre des finances sud-africain «ne remettront pas la dette sur une voie durable».
Au lieu de cela, ces mesures «risquent de plonger le pays dans une crise encore plus profonde», ont-ils averti, notant que le pays a besoin d'une stratégie plus crédible pour relancer l'économie à travers «une réforme accélérée et un engagement de réduire les dépenses».
Face à cette situation détériorée des finances publiques en Afrique du Sud, le gouvernement ne semble pas avoir une grande marge de manœuvre pour relever tous les défis auxquels il est confronté.
La difficulté actuelle d'emprunter des fonds auprès des institutions financières internationales ne laisse au pays de Nelson Mandela d'autres choix que d'opter pour la réduction des dépenses, et ce au détriment des effets que cela peut avoir sur les catégories les plus vulnérables, déjà fragilisées par la pandémie.