Depuis la rentrée 2010, l'anglais est devenu la seule langue d'enseignement public en remplacement du français et ne cesse de gagner du terrain au sein de la population et de l'administration. Les enseignants ont dû, du jour au lendemain, basculer d’une langue à l’autre. Seuls 700.000 Rwandais étaient francophones en 2015, soit 6 % de la population, selon l'Organisation internationale de la francophonie (OIF).
Une décennie après cette révolution linguistique, le français commence à opérer un discret retour avec le réchauffement des relations entre la France et le Rwanda et surtout la nomination de l’ancienne cheffe de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikiwabo, au poste de Secrétaire Générale de l'organisation de la Francophonie.
Le Rwanda, qui n'a jamais remis en cause son appartenance à la Francophonie malgré sa marginalisation de la langue de Molière, a lancé récemment en partenariat avec l’OIF un projet d’envergure pour faire renaître le français : une centaine d’enseignants et formateurs de français seront recrutés par l’OIF en deux ans, au niveau de tout l’espace francophone, pour être mis à la disposition des écoles rwandaises.
Mi-octobre, cette initiative intitulée "mobility project" a été inaugurée à Kigali avec l’arrivée de 25 enseignants recrutés par l’OIF et son partenaire, l’Office rwandais pour l’éducation, suite au lancement d’un appel à candidature, en juin dernier, pour lequel plus de 1300 candidats avaient postulé.
Dans le cadre de cette initiative, le Rwanda élaborera un plan national pour l’enseignement et l’apprentissage du français, rattaché à la stratégie sectorielle pour l’éducation du pays, condition sine qua non de la pérennisation du projet, selon le chef de file du projet de mobilité des enseignants de l’OIF, Iyade Khalaf.
Pour Andre Gakwaya, chercheur rwandais et ancien enseignant du français, "le Rwanda veut trouver un équilibre entre le français et l’anglais en vue de renforcer le multilinguisme aux différents stades de l’apprentissage, du primaire jusqu’à l’enseignement supérieur".
"La dynamisation de l'usage du français au Rwanda, à travers l’enseignement, s’inscrit aussi dans le cadre de la stratégie de développement et d’intégration du pays", a-t-il déclaré à la MAP, expliquant dans ce sens que la promotion de la langue française permettra au Rwanda de booster ses échanges économiques et culturels avec ses voisins francophones, notamment la République Démocratique du Congo (RDC), plus grand pays francophone au monde.
D’autre part, le chercheur a fait observer que le pays des mille collines entretient une longue histoire avec la langue française, rappelant dans cette optique que le français était, durant l’époque de colonisation, la seule langue pour comprendre l’Européen de passage ou pour lire les circulaires émises par l’administration et l’Église.
"Le projet de mobilité des enseignants lancé par le Rwanda et l’OIF permettra à nos apprenants de devenir bilingues. Nous sommes à la fois membres de la Francophonie et du Commonwealth et cela nous amène à utiliser les deux langues", a-t-il ajouté.
Lors du lancement du "mobility project", le ministre d'État rwandais en charge des écoles primaires et secondaires, Gaspard Twagirayezu, a souligné que le partenariat avec l'organisation de la francophonie permettra de promouvoir l'enseignement du français au sein des écoles rwandaises.
"Grâce à un programme de formation, ces enseignants aideront à améliorer la maîtrise du français chez nos enseignants, étudiants et les membres de notre communauté. Nous voulons que le français soit parmi les langues les plus parlées au Rwanda", a déclaré le responsable.
Le français reste une langue officielle du Rwanda après le Kinyarwanda, l’anglais et le Kiswahili introduit en 2017. Le gouvernement rwandais, à travers son ministre de l’Education, a confirmé à de nombreuses reprises, au cours des deux dernières années, que le pays collabore étroitement avec l’OIF pour promouvoir l’enseignement du français.