M . Aourhebal revient également, dans cette entrevue, sur les reproches soulevées par l'instance élue contre le conseil de la région Béni Mellal-Khénifra et sur sa non-implication dans les projets de développement de la province.
1 - Lors de la session extraordinaire du Conseil tenue, lundi, vous avez approuvé le budget de l'année 2021 d'une valeur de 33 millions de dirhams. Ce budget est-il suffisant pour répondre aux besoins de développement d'une vaste province comme Khénifra?
Bien entendu, le financement est insuffisant car le budget de la province est incapable de répondre aux besoins cumulés en termes de projets de développement à Khénifra. La plupart des communes de la province sont pauvres, avec des moyens et des ressources financières faibles et disposent à peine de crédits pour couvrir les dépenses des fonctionnaires.
Le budget du Conseil provincial souffre, depuis deux ans, d'un déficit en raison de son engagement à rembourser la dette contractée auprès du Fonds d'Equipement Communal (FEC), ayant contribué à la mise en œuvre des programmes de réhabilitation de la province de Khénifra, dont le lancement a été donné par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, en plus d'allouer des enveloppes financières pour des dépenses à caractère fixe, notamment les salaires des fonctionnaires, des auxiliaires, et d'autres dépenses couvrant les frais des décisions judiciaires en plus de dépenses visant à soutenir les programmes de lutte contre la propagation de la pandémie du Covid-19.
La province de Khénifra souffre également de la faiblesse des infrastructures et des équipements de base, tels que la réhabilitation des routes rurales, le raccordement électrique, l’adduction en eau potable et l'assainissement, outre le désenclavement de certaines zones difficiles d’accès. Autant de projets qui nécessitent des programmes intégrés ambitieux qui visent à améliorer le niveau de vie de la population locale et à l'intégrer dans le tissu socio-économique.
2 - Quel est le niveau d'implication du Conseil de la région de Béni Mellal-Khénifra dans le financement et le soutien des programmes de développement de la province ?
L’engagement du conseil de la région Béni Mellal-Khénifra est quasi-inexistant si l’on compare les investissements de la région dans la province de Khénifra avec les autres provinces qui forment le territoire de la région. Preuve en est: au cours des trois dernières sessions du conseil de la région, 49 accords de partenariat ont été approuvés et sont répartis comme suit:
-La province d’Azilal avec 15 accords pour un coût total de plus de 404 millions de dirhams (MDH).
-La province de Béni Mellal avec 14 accords pour un coût global de plus de 235 MDH.
-La province de Fqih Ben Salah avec 08 accords ayant nécessité une enveloppe budgétaire de plus de 116 MDH.
-La province de Khouribga avec 7 accords (plus de 92 MDH).
-La province de Khénifra dont le nombre d’accords a atteint 5 pour un coût total de 32 MDH.
La vérité choquante de ces chiffres affiche clairement l'ampleur de l'exclusion systématique à laquelle est soumise la province de Khénifra, et dont le législateur a accolé le nom à celui de la région, non pas de façon arbitraire, mais pour faire de la province le deuxième grand pôle de la région, sauf que les décideurs au niveau de la région en voulaient autrement en la plaçant dernière de la liste.
Cette exclusion systématique se manifeste également dans le document du schéma régional d'aménagement du territoire (SRAT) de la région Béni Mellal-Khénifra, qui a consacré autre chose que la justice spatiale, au détriment du principe d'équité, comme en témoigne ce qui suit:
Le bureau d'études chargé de l'élaboration du document du SRAT a approuvé 4 "Espaces projets" dans la répartition du territoire de la région ayant bénéficié, chacun, d'un certain nombre de projets:
-L’espace projet du DIR ayant bénéficié à la province de Khénifra à hauteur de 34% des investissements qui lui ont été alloués.
-L’espace projet du plateau avec 15 projets au total, dont un seul destiné à la province de Khénifra, d'une valeur de 17 millions de dirhams, sur un budget total de 200 MDH, soit à peine 7%.
-L’espace projet de la plaine qui compte 10 projets, dont le financement total s’élève à plus de 7 MDH, avec une part de zéro pour Khénifra.
-L’espace projet de la montagne avec 20 projets (plus de 10MDH) sans le moindre projet pour la province de Khénifra.
Ceci étant comme si la province de Khénifra ne disposait pas de zone montagneuse aux caractéristiques forestières diverses et importantes au niveau national, au sommet desquelles se trouvent des cèdres et des chênes verts, ainsi que de vastes parcs naturels et d'importantes ressources hydriques coulant de sources et de lacs qui méritent une attention particulière, des investissements et une meilleure commercialisation.
En gros, sur 100 milliards de DH de projets inclus dans le SRAT de la région, seulement 5 est le nombre de projets dont bénéficiera la province, soit 5 pc, et ce pour une période allant jusqu'à 25 ans qui est la durée de validité du document SRAT.
En revanche, le document ne consacre pas le principe de décentralisation "vanté par tous", en tant que prélude à la justice spatiale, en ce sens que la plupart des projets à caractère stratégique "sont orientés vers un pôle particulier".
3 - Il ressort de votre déclaration que vous êtes insatisfaits du niveau d’engagement du conseil de la région en faveur du soutien des divers programmes de développement dans la province de Khénifra. Comment en évaluez-vous la situation ?
Le conseil provincial n'a pas été et ne sera pas satisfait des interventions du conseil de la région de Béni Mellal-Khénifra dans la province. La région dispose d’atouts naturels, humains, historiques et culturels d'une grande importance qui nécessitent des investissements et une commercialisation d'une plus grande valeur.
La ville de Khénifra s’est réjouie du nouveau découpage administratif du Royaume dans le cadre du chantier de la régionalisation avancée et son intégration dans la région Béni Mellal-Khénifra après ses nombreuses expériences administratives, et espérait que cette dernière assumerait son rôle de développement global et intégré en mettant fin au favoritisme qui servait jusque-là des intérêts personnels étroits, alors que la finalité de la régionalisation avancée tend plutôt vers le développement socio-économique global, intégré et équilibré, basé sur une approche participative et solidaire.
D'une manière globale, la province de Khénifra est exclue de la stratégie de développement de la région de Béni Mellal-Khénifra. Vous avez la meilleure preuve dans les chiffres présentés à cet effet. Même les quelques projets infimes destinés à la province sont en suspens, et ceux en phase de mise en œuvre connaissent une cadence plus lente par rapport à ce qui est observé dans les projets menés dans l'autre bout de la région, dans la province d'Azilal, de Béni Mellal ou de Fqih Ben Salah.