Mercredi dernier, après six mois de consultations, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala a été proposée par les présidents des trois principaux organes de l'OMC pour prendre les rênes de l'organisation, mais les États-Unis, qui sont déjà en froid avec le gendarme mondial du commerce, ont opposé leur veto, basculant l'institution, où toutes les décisions se prennent par consensus, un peu plus dans la crise.
"Vingt-sept délégations représentant un grand nombre de pays ont pris la parole et tous ont exprimé un soutien très fort au processus et au résultat, tous sauf un, les Etats-Unis", a annoncé Keith Rockwell, le porte-parole de l'organisation.
Tous les regards sont désormais tournés vers la prochaine réunion de 9 novembre du Conseil général, organe suprême de l'OMC chargé de valider la nomination des directeurs généraux. En théorie, un vote peut être organisé, mais les membres se sont toujours refusés jusqu'à présent à un tel scenario.
Mme Okonjo-Iweala, sexagénaire et ancienne ministre des finances et des affaires étrangères, a oeuvré dans plusieurs institutions internationales. Si elle venait à être nommée, elle deviendrait la première femme et la première Africaine à diriger l'institution. Elle se présente comme la candidate des réformes, souhaitées par de nombreux membres, et des PME. Elle souhaite aussi notamment que l'OMC oeuvre pour faciliter l'accès aux médicaments dans les pays en développement face à la pandémie.
Elle déplore que l’OMC se trouve paralysée alors que le monde avait un besoin urgent d’une telle institution en cette période marquée par la pandémie de Covid-19, affirmons que «nous traversons une pandémie et l’OMC reste les bras croisés faute de directeur».
L'OMC est surtout pénalisée depuis des mois par le refus de Washington de débloquer les nominations des juges du tribunal d’appel du système de règlement des différends, provoquant l’une des plus graves crises institutionnelles de l’Organisation.
Depuis le départ du Brésilien Roberto Azevedo fin août, l'OMC n'a plus de patron étant donné qu'aucun consensus n'a pu être trouvé sur le choix de l'un de ses quatre adjoints, alors qu'aucun délai maximal n'est requis pour trouver le prochain chef de l'institution.
Les règles de l'Organisation stipulent que, pendant toute vacance, la direction soit assurée par l’un des quatre vice-directeurs, mais depuis, début août, les Etats-Unis, qui sont les plus grands contributeurs au budget de l'OMC (12%) ont refusé la nomination à ce poste à titre provisoire de l’Allemand Karl Brauner.
"Le dispositif opérationnel fonctionne sans difficulté" avec les adjoints, avait relevé il y a quelques semaines le porte-parole de l'organisation. "Mais nous avons besoin d'un directeur général pour donner une impulsion à des questions comme les négociations pour éliminer les subventions illégales à la pêche", a-t-il ajouté.
Plusieurs discussions entre des dizaines de membres sont en cours, notamment sur le commerce électronique ou la facilitation des investissements. La prochaine patronne de l'organisation aura un mandat "bien rempli" dès son entrée en fonctions, avait admis le porte-parole.
Le prochain chef de l'institution devra affronter la crise économique mais aussi la crise de confiance dans le multilatéralisme et dans le bien-fondé de la libéralisation du commerce mondial, le tout sur fond de guerre commerciale entre les deux premières puissances économiques mondiales, la Chine et les États-Unis.
Selon les prévisions annoncées par l'OMC, le commerce mondial devrait reculer d'un peu plus de 9% cette année, mieux qu'attendu il y a quelques mois. En revanche, la relance l'année prochaine devrait être moins importante que prévu. Tout dépendra des dispositifs de santé et des politiques fiscales, dit également l'organisation.