Accusant le bilan le plus lourd d'Europe en termes de décès dus à la pandémie, le Royaume-Uni a dépassé la barre d'un million d'infections par le Covid-19, ce qui a poussé les conseillers scientifiques du gouvernement à inciter le premier ministre à renoncer à son approche locale.
Trois jours à peine après avoir présenté son système de confinement régional à trois vitesses consistant à adapter les restrictions dans chaque zone du pays selon la gravité de la pandémie, le gouvernement s'est retrouvé sous pression pour durcir les mesures.
Le premier ministre Boris Johnson, qui a longtemps résisté à un confinement général, s’est résolu à l’annoncer samedi pour toute l’Angleterre.
C’est un revirement pour le dirigeant conservateur, qui avait jusque-là résisté aux appels à verrouiller le pays, même pour une courte durée de deux à trois semaines comme le suggérait le parti travailliste de l’opposition. Mais la situation est très alarmante et il n’y a plus de temps à perdre.
"Le virus se propage d'une manière très rapide, voire même plus rapidement que les pires scénarios raisonnables prévus par nos conseillers scientifiques", a déploré le premier ministre lors d'une conférence de presse à Downing Street, soulignant qu'il "était temps d'agir".
Ainsi, tous les commerces jugés non essentiels seront fermés à partir de jeudi jusqu'au 02 décembre, au même titre que les restaurants, cafés et pubs, alors que les écoles, les crèches et les universités resteraient ouvertes à la différence du premier confinement décrété en mars.
Les Anglais seront également interdits de sortir de chez eux et sont priés de télétravailler s'ils le peuvent, alors que les personnes âgées et vulnérables sont exhortées de redoubler de prudence.
Le nouveau confinement interdit également les voyages à l’étranger sauf à des fins professionnelles, apportant ainsi un coup dur à ce secteur déjà frappé de plein fouet par la crise sanitaire.
Ce confinement, qui devrait s’étendre un mois, pourrait toutefois se prolonger au delà du 02 décembre en fonction de l’évolution de la pandémie, a encore averti dimanche le chancelier du duché de Lancaster chargé de la coordination de l’action gouvernementale, Michael Gove.
Sa déclaration a ravivé les craintes des milieux économiques et de l’opposition qui multiplient les appels au premier ministre pour préciser les modalités de sortie du nouveau lockdown, qui risque de plonger le pays dans sa pire récession, alors qu’il se prépare déjà à payer un lourd tribut économique. D’ailleurs, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit une contraction du PIB de 10,4 % en 2020.
La directrice générale de la fédération des commerçants britanniques British Retail Consortium (BRC), Helen Dickinson, avertit ainsi contre "un cauchemar avant Noël", estimant que cela va provoquer des dégâts considérables pour les détaillants en cette période cruciale, entraînera des suppressions d’emplois et retardera définitivement la reprise de l'économie au sens large.
Le secteur de l'hôtellerie et de la restauration, déjà lourdement affecté par le premier confinement décrété en mars, sera également ébranlé par ce nouveau lockdown.
"Un reconfinement aurait des conséquences désastreuses" sur le secteur, s’est indignée la directrice générale de "UK hospitality", Kate Nicholls, appelant à un soutien financier pour surmonter cette nouvelle épreuve.
Le gouvernement a toutefois défendu son approche. Personne ne "veut un confinement, moi-même inclus", a commenté sur Twitter, Jeremy Farrar, l'un des membres du Comité consultatif pour les urgences (Sage) qui conseille le gouvernement. "Mais nous avons rapidement dépassé le pire des scénarios raisonnables, nous sommes plus avancés dans l'épidémie que beaucoup ne l'avaient anticipé ", a-t-il déploré.
Au-delà des dégâts économiques, le bilan humain de la pandémie au Royaume-Uni pèse encore plus lourd. Dans son dernier rapport publié vendredi, l'Office des statistiques nationales (ONS) a révélé que l'Angleterre avait connu la semaine dernière près de 52.000 nouveaux cas de Covid-19 par jour, soit une augmentation de 47 % par rapport à la semaine précédente, alors que les conseillers scientifiques avertissent que le pays pourrait déplorer plus de 80.000 morts en cas d'une deuxième vague meurtrière.
Ce nouveau confinement, qui devrait entrer en vigueur dès jeudi après l'approbation du parlement, ne concerne pas l'Ecosse, chacune des quatre nations constitutives du Royaume-Uni étant libre de décider de sa propre stratégie de lutte contre la pandémie.
Le Pays de Galles a déjà décrété un confinement au moins jusqu'au 9 novembre, alors que l'Irlande du Nord a opté pour un confinement partiel avec la fermeture des pubs et des restaurants pendant un mois, tout en prolongeant les vacances scolaires.