Jusqu’à Fqih Ben Salah, rien ne semble arrêter ces voitures de sport luxueuses aux plaques italiennes et aux vitres teintées roulant à vive allure à la direction de la commune d’Ouled Youssef (Province de Béni Mellal), fief imprenable des immigrés marocains en Italie.
A la commune d’Ouled Youssef, leur nombre ne s’amenuise guère. A leur bord des Marocains d’Italie venant gouter aux joies d'un congé sabbatique mérité après une année de labeur et d’éloignement.
Cela résume très bien la longue histoire de la région Béni Mellal-Khénifra avec l’immigration en Italie, ou plutôt comme préfèrent l’appeler les Mellalis, avec un accent azzurro, le Rêve italien.
Depuis des lustres, Béni Mellal a été le berceau de l’immigration vers le vieux continent, particulièrement l’Italie où plus de 10% des étrangers sont des Marocains, relevant pour la plupart de la région centrale du Royaume.
Mais revenant au point de départ de cette immigration si massive et ordonnée des Mellalis vers Rome, capitale mondiale des pizzas, des spaghettis et des tiramisus qui fût autrefois le cœur battant du grand empire romain.
La si longue histoire des Mellalis avec l'immigration en Italie a débuté, selon plusieurs sources historiques, dans les années 50 quand la primo-génération d'immigrés marocains est partie faire des travaux publics de la reconstruction de l’Europe et pour répondre aux appels de main-d'œuvre des gouvernements de l’époque.
De cette première expérience, s'en est suit une dizaine d’autres, puis une centaine puis des milliers d’autres expériences migratoires à des fins professionnelles, de regroupement familial et de travail saisonnier dans les vastes champs de L’Aquila à la faveur d’importantes facilités offertes à l’époque par les services consulaires italiens.
Dans une déclaration à la MAP, Ibrahim Dahbani, président de l’Observatoire régional de l’immigration et du développement à Béni Mellal-Khénifra, a fait savoir que l’immigration vers l’Italie n’est plus de mise, et que l’eldorado italien qui s’est forgé depuis des années s’est effondré après la vague massive d’immigration pendant les années 80 et 90.
En effet, selon M. Dahbani, l’échec de l'expérience migratoire de certains Marocains établis en Italie et la crise économique de 2008 ont assombri cet eldorado donnant ainsi lieu à une migration toute autre vers des pays de l’Amérique du nord à titre d’exemple, au moment où l’immigration classique vers l’Italie n’est plus à la mode.
"Le Mellali quand il constate le retour forcé de son frère ou de son cousin ou un membre de sa famille pour des raisons ou d’autres remet en question son choix pour l’Italie" a précisé M. Dahbani, relevant que l’avenir qu’offre ce pays est désormais possible au Maroc avec le développement tous azimuts que connait le Royaume dans divers domaines, notamment l’enseignement supérieur et la fonction publique.
Il s’agit également de la montée en puissance d’autres formes d'immigration plus organisées et ordonnées ayant favorisé l’émergence d’autres alternatives plus intéressantes sur le plan économique et culturel à la lumière de la France, de la Turquie et de certains pays du Golf, a-t-il fait remarquer.
Ceci explique en partie le retour de milliers de Marocains d'Italie ou plutôt leur réorientation vers d’autres pays plus sûrs à une époque où la crise économique continue à mettre en péril l’épanouissement des migrants et les perspectives de leur développement dans les pays d’accueil surtout avec la montée des partis d’extrême droite "hostile à l’immigration".
Toutefois, ce rêve italien continue de surprendre et de faire rêver plusieurs jeunes de communes rurales "de tradition migrante" comme celles d’Ouled Youssef, de Souk Sebt Ouled Nemma et de Fqih Ben Salah, y voyant dans cette migration une tradition à perpétuer en raison de l’installation d’un grand nombre de leur famille dans ce pays qui délivre chaque année le plus grand nombre de permis de séjour pour motifs de famille.
Pour K.N., "refoulé d’Italie" après l’expiration de son titre de séjour, le va-et-vient entre l’Italie et le Maroc est une tradition qu’il convient de maintenir en luttant contre l’"immigration infondée" sans qualification, ni diplôme, une forme d’immigration qui lui a coûté un retour forcé à Ouled Youssef, la petite Italie, poursuit-il.
Quand on ne maitrise pas l’italien, on n'a pas de diplôme ni de qualification, l’atterrissage est d’autant plus brutal et les chances de réussir sa migration avec brio le sont aussi, précise le quadragénaire.
K.N. invoquant le célèbre maxime marocain "Le poison de mon pays vaut mieux que le miel des autres", a souligné que toutes les conditions d’une vie prospère et épanouissante se trouvent réunies dans la région Béni Mellal-Khénifra qui s’est lancée récemment dans de vastes chantiers structurants, tels, l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) qui a beaucoup contribué à l’essor économique de la région.
Pour le président de l'Association Qualification Des Jeunes (AQJ), Rachid El Habib, les jeunes de la région sont aujourd’hui plus favorables à la poursuite de leurs études dans la région qui disposent d’importantes structures universitaires, relevant que le temps du rêve Italien est révolu avec l’avènement de la crise de 2008 qui a considérablement impacté l’insertion socio-économique des migrants et le choc migratoire de l’après 2011.
A une époque où s’est amplifiée l’immigration marocaine vers l’Italie en 1990, la décélération de ce rythme est aujourd’hui devenue visible surtout après la crise des subprimes qui s'est propagée vers d'autres pays à cause de l'interaction entre les économies au moment où le retour de la diaspora marocaine d'Italie ne cesse de faire l'actualité depuis quelques années sous peine d’expulsion.
Si le rêve italien continue d'attirer de nombreux candidats à l'émigration, il n’est pas sans dire que le rêve italien ne tente plus la nouvelle génération de jeunes qui y voit dans le développement du Royaume une nouvelle alternative à une migration plutôt démodée.