Même si la campagne pour les échéances de 2022 n'a pas encore commencé, les partisans des 2 camps se livrent déjà à une course aux rassemblements politiques dans les différents comtés du pays pour gagner plus de sympathisants.
Le président sortant, qui ne briguera pas un troisième mandat dans deux ans, devait en principe épauler son adjoint Ruto pour lui succéder. Mais visiblement, Kenyatta ne voit pas les choses de la même façon et compte apporter son soutien à son ancien rival et chef de l'opposition, Raila Odinga, avec qui il a scellé, en mars 2018 et à la surprise générale, une alliance, dont chacun tire aujourd’hui parti.
Dimanche 11 octobre, alors que le président et son équipe de soutien étaient rassemblés pour suivre une messe et faire passer certains messages à leurs militants, le camp Ruto a été interdit par un grand dispositif sécuritaire de se regrouper pour motif de "trouble à l’ordre public".
Le Vice-président, qui s'est senti "trahi", a mobilisé ses troupes en lançant partout où il va des messages hostiles contre le clan Kenyatta. Sur le terrain, cette situation a dégénéré au point de venir aux affrontements entre camps opposés. Il y a une semaine, deux personnes ont été tuées lors d'affrontements entre les partisans du président et des pro-Ruto.
Lors d'un rassemblement jeudi dernier à Nyamira, le vice-président Ruto a avancé que le président Uhuru Kenyatta a laissé de côté son programme des "Big Four Data", en se concentrant sur la "Building Bridges Initiative" (BBI).
Il a affirmé que "tous les plans et projets que le président a prévu de réaliser durant son mandat dans le cadre de son Programme de campagne "Big Four Data" ont été délaissés au profit de la campagne BBI".
Le duel au sommet pourrait dégénérer si rien n’est fait pour calmer les ardeurs des uns et la détermination à en découdre des autres, redoutent beaucoup de politiciens et d'observateurs qui ont encore en mémoire le tragique épisode de la période post-électorale de 2007 qui a fait au moins un millier de morts, selon les sources officielles.
"Si rien n’est fait pour calmer le jeu, le Kenya pourrait basculer dans le chaos", estime à ce propos Okoth Ogendo, un juriste kényan, dans des déclarations relayés par les médias locaux.
Dans une récente intervention, le ministre de l'intérieur Fred Matiang'i a averti ceux qui font déjà campagne pour les élections générales de 2022 "ne font que dérailler le cours du développement du pays".
Pour le ministre, les rassemblements et les visites de délégations dans diverses régions du pays pour faire campagne "sont contre-productifs et feront dérailler le programme de développement du Président Uhuru Kenyatta", allusion faite à la campagne menée avant la date prévue par le vice-président Ruto.
Il a ajouté que "les dirigeants assoiffés de pouvoir du parti Jubilee, au pouvoir, avaient commencé à faire campagne peu de temps après le vote de 2017, ce qui impliquait de ne pas reconnaître l'élection de M. Kenyatta et le mandat constitutionnel de servir le peuple".
"Certains dirigeants ont pris l'habitude de rencontrer des délégations politiques et d'organiser des rassemblements sur les marchés et dans d'autres lieux pour empêcher les Kényans de soutenir le président dans son programme de développement national. Ils vous disent que le gouvernement dans lequel ils servent vous a laissé tomber. C'est faux, ça équivaut à du sabotage", a martelé le ministre de l'Intérieur.
Ces rassemblements ont été même fustigés par les médecins. L'Association des médecins et dentistes du Kenya a ainsi lancé un appel au gouvernement pour qu'il agisse rapidement pour arrêter les rassemblements politiques qui mettent en péril les efforts déployés pour contenir la propagation du nouveau Coronavirus.
Le président de l'Association, Dr Were Onyino, a souligné que les récents rassemblements politiques tenus au mépris des mesures de prévention du COVID-19 envoient de mauvais messages au public qui suivra et assouplira son respect des mesures prises contre la pandémie.