Dans cette interview, le Secrétaire général de l'ISO met en avant la contribution du Maroc, à travers l'Institut marocain de normalisation (Imanor), à la promotion de la normalisation dans les pays en développement et souligne l'importance des normes internationales en tant qu'instruments indispensables pour soutenir un commerce international libre et équitable.
1- La communauté de la normalisation célèbre le 14 octobre, la Journée mondiale de la normalisation sous le thème "Protéger la planète grâce aux normes". Quels sont les objectifs visés à travers cette célébration et comment les normes peuvent contribuer à la protection de la planète ?
La journée mondiale de la normalisation a pour objectif de célébrer l'importance des activités liées à la normalisation et de rendre hommage à la collaboration des milliers de personnes qui consacrent leur temps et leur expertise à cette œuvre capitale. C’est également l’occasion de faire connaître au grand public l'importance de la normalisation.
Une première commémoration de cette journée a eu lieu en 1970, puis elle s’est officialisée en incluant les membres de l’ISO, la Commission électrotechnique internationale (IEC) et de l’Union internationale des télécommunications (UIT).
Chaque année un thème est choisi et cette année il s’agit de "Protéger la planète grâce aux normes". Ce sujet est crucial. En l’espace d’un siècle, les activités humaines et industrielles à grande échelle de notre civilisation moderne sont venues s’ajouter aux émissions naturelles de gaz à effet de serre de la planète. Celles-ci ont une incidence négative sur notre climat mais aussi sur toutes les formes de vie. Or, face à l’augmentation rapide de la population et à l’urbanisation galopante, nous nous devons d’utiliser de manière responsable des ressources limitées.
Afin de limiter l’impact de l’humanité sur notre planète, il nous faut compter sur une réelle volonté politique, agir de façon concrète et disposer des bons outils. Les Normes internationales font partie de ces outils. Élaborées par l’IEC, l’ISO et l’UIT, elles s’appuient sur des solutions éprouvées pour résoudre des problèmes techniques. Elles permettent de diffuser largement l’expertise et le savoir-faire des experts dans les pays développés comme dans les pays en développement. Les normes couvrent le moindre aspect des économies d’énergie et de la qualité de l’air et de l’eau. Elles définissent des protocoles et des méthodes de mesure normalisés. Leur large application contribue à réduire l’impact environnemental de la production et des processus industriels, à faciliter la réutilisation de ressources limitées et à gagner en efficacité énergétique.
Les normes ISO pour l’environnement sont des outils qui traduisent nos convictions en actions efficaces pour la planète entière.
Ce thème est là pour nous rappeler que, sans les services de la nature, la vie sur terre ne serait pas possible. Il nous faut donc tous agir maintenant pour protéger la nature et, en tous cas, ralentir le rythme avec lequel nous la détruisons.
Le catalogue ISO compte des milliers de normes qui aident les organisations de tous types à améliorer leurs performances environnementales et à prendre des mesures pour rendre notre monde plus durable.
2- La crise liée à la pandémie de la covid-19 est venue rappeler aux entreprises et aux Etats l'importance de la normalisation dans un monde en quête perpétuelle de qualité et d'excellence. Pensez-vous que cette crise servira d'élément déclencheur pour stimuler l'activité de normalisation à travers le monde en tant que facteur de compétitivité et de croissance économique ?
Tout d’abord, en réponse à l'urgence de la pandémie de la COVID-19, nous avons transformé bon nombre de nos activités planifiées en activités virtuelles pour assurer la continuité dans le développement des normes.
Pour soutenir les efforts mondiaux face à cette crise, nous avons également établi une liste de normes mises à disposition gratuitement en format lecture seule sur notre site web.
Ces normes clés concernent la gestion, la continuité des activités, la résilience, la gestion des risques, mais aussi les équipements de protection tels que les vêtements, les gants, etc.
Cette pandémie mondiale ne connaît pas de frontières géographiques et je suis sûr que nous en sortirons plus fort et plus résilient qu’avant.
La pandémie a d'une part démontré la connectivité mondiale des problèmes auxquels l'humanité est confrontée aujourd'hui.
Alors que d'un autre côté, elle a révélé une énorme lacune dans la réponse internationale aux pandémies. Cela présente une opportunité de développer des normes internationales, avant que la prochaine catastrophe ne survienne.
Nos membres ont été formidables et ont réagi très vite pour apporter tout leur soutien à l’industrie, aux gouvernements de leur pays afin que des produits sûrs soient mis sur le marché pour protéger et soigner la population.
Le monde change rapidement et nous devons nous adapter rapidement. D'ailleurs, nous travaillons actuellement sur notre prochaine stratégie pour l’horizon 2030 qui définira notre agenda pour la décennie à venir et nous permettra d'être indéniablement une organisation mondiale qui répond et dépasse les attentes de toutes nos parties prenantes, qui veillent à ce que nous restions pertinents aujourd'hui et pour les années à venir.
Cette stratégie fournira un cadre de haut niveau avec l'agilité et la flexibilité nécessaires pour s'adapter à cet environnement en constante évolution.
Nous sommes confrontés à divers défis socio-économiques, notamment le commerce international, la santé, la sécurité et l'environnement, qui peuvent tous se produire au-delà des frontières nationales. Cela aide à expliquer pourquoi la communauté internationale se tourne de plus en plus vers l'ISO pour développer des Normes internationales en tant que composantes essentielles des solutions mondiales nécessaires pour relever les nombreux défis mondiaux auxquels notre monde est aujourd'hui confronté.
Par exemple, l'Organisation Mondiale du commerce (OMC) encourage l'utilisation de Normes internationales afin de réduire les obstacles inutiles au commerce. La Commission Economique des Nations Unies pour l’Europe (CEE-ONU) a également mis au point et promeut un modèle de bonnes pratiques réglementaires qui fait largement référence à l’utilisation des Normes internationales et préconise leur complémentarité avec les réglementations. Ce ne sont là que quelques-unes des nombreuses façons dont les normes ISO sont adoptées par les organisations internationales pour soutenir les initiatives publiques.
Les Normes internationales sont des instruments pour soutenir un commerce international libre et équitable et il est important de les positionner comme un outil stratégique pour revitaliser le secteur industriel, en défendant le développement de normes qui répondent spécifiquement aux besoins actuels du marché. Cela tout en garantissant des normes ISO utilisées partout.
3- L'IMANOR, en tant que membre de ISO, déploie d'énormes efforts en matière de production de normes, de certification et de formation. Quel regard porte ISO sur le travail accompli par l'Imanor jusqu'à présent et sur son engagement en faveur de la promotion des bonnes pratiques auprès des entreprises marocaines ?
L’IMANOR est le comité membre de l’ISO représentant le Royaume du Maroc. Il joue le rôle du pont entre les entreprises marocaines et la normalisation internationale, et de locomotive pour ces dernières leur permettant de suivre l’évolution des normes internationales et de s’adapter en conséquence pour bien se positionner sur le marché. Le Maroc s’est intéressé très tôt à la normalisation internationale, en adhérant notamment à l’ISO en 1963, soit environ 60 ans. Cet intérêt s’est confirmé davantage à travers la participation de l’IMANOR aux activités de l’ISO. C’est ainsi que l’IMANOR a pratiquement pris part depuis 1996 à toutes les assemblées générales de l’ISO et les activités des organes subsidiaires. L’IMANOR est aussi membre d’une centaine de comités et sous-comités techniques de normalisation de l’ISO et participe avec ses parties prenantes aux consultations menées par ces organes techniques dans le cadre de l’élaboration des normes internationales ISO.
L’IMANOR est pour deux mandats consécutifs membre représentant la région arabe du groupe consultatif du Président du comité DEVCO chargé des questions des pays en développement. Justement dans ce cadre l’IMANOR joue et doit jouer un rôle important dans la promotion de la normalisation dans les pays en développement à travers ses prolongements régionaux et linguistiques, et je citerai à titre d’exemple sa contribution dans le cadre des groupes africains, arabes et francophones.
Bien sûr l’IMANOR est appelé à faire mieux sur la scène de normalisation internationale, et il a à mon avis le potentiel de le faire. On espère le voir aux différentes instances de gouvernance de l’organisation.
L’IMANOR devrait poursuivre ses efforts de mobilisation des entreprises marocaines pour une présence active dans les travaux techniques et les activités de l’ISO. En effet, l’objectif de notre organisation est de rendre la norme internationale accessible aux entreprises et au public dans l’intérêt de toute la communauté à travers notamment les organismes nationaux de normalisation dont bien sûr l’IMANOR. Dans cet objectif, nous avons réalisé avec l’IMANOR beaucoup d’actions et mené beaucoup de programmes autour des normes et activités associées, au niveau régional et au niveau national en faveur d’entreprises marocaines. Je citerai à titre d’exemple les programmes de coopération au profit de la région MENA, portant respectivement sur la promotion de la responsabilité sociétale et sur les normes relatives au développement durable (MENA STAR).
Les relations entre l’ISO et l’IMANOR sont excellentes, et on continuera notre chemin ensemble avec tous les membres de l’ISO pour mettre les normes et les activités associés au service de l’humanité.