Quelques œuvres picturales, de portraits et d'arts paysager ornent ce livre de 378 pages, de taille moyenne. Du "Buste de Juba II, roi de Maurétanie", issu de la collection et photo Robert Classic, jusqu’aux portraits des "deux sœurs devant la Kasbah des Oudaïa" du peintre orientaliste espagnol José Cruz-Herrera, 1890-1972), en passant par la photo de "Bab Chellah avec ses arcatures et son bandeau en caractères coufiques attestant de la construction de la porte du Ribat par Abou el Hassan en 1939".
Divisé en deux parties, "L'Oued Bouregreg dans l'histoire des deux villes, Rabat et Salé : Des origines au Sultan Moulay Youssef (1912-1927)" et "Le port de Rabat : De la deuxième moitié du XIX siècle à nos jours", l'ouvrage de Robert Chastel dépeint en profondeur, vingt huit siècle d'histoire de Bouregreg, à travers son étymologie, ses origines au XVIIé siècle et la "reconquista" espagnole.
Sur l'étymologie Bouregreg, l'auteur explique que le nom du fleuve a été "connu dans l'Antiquité sous le nom de oued Sala- La rivière salée, (Ibn Hauqal et El Bakri), ...ce n'est qu'au XIII siècle qu'il apparaît sous le nom de Bouregreg- Abi Rakrak. On pense que son nom berbère était Asif Urgaz, arabisé en Bourgrag".
Des dossiers annexes, des deux vieilles cités Makhzen, complète l'ouvrage, notamment par une description des relations sur les Juifs de Salé aux XVIIé siècle, des saints marabouts du Bouregreg ou du passage de Bouregreg qui a du se faire à l'aide de barques ou de radeaux.
Sur ce sujet, M. Chastel cite le récit d'Abdelmoumen, un des disciples d'Ibn Toumert, qui deviendra le premier calife almohade et le bâtisseur de la Kasbah. Il "évoque ainsi leur pittoresque traversée du Bouregreg : Je connais, dit-il en se tournant vers ceux qui l'entouraient, trois personnes qui arrivèrent à Salé n'ayant qu'une galette. Comme elles voulaient traverser cette rivière elles se rendirent auprès du patron d'une barque en lui offrant leur galette pour payer leur passage à tous les trois, mais il déclara n'en pouvoir à ce prix passer que deux. Eh bien, dit l'un des voyageurs, jeune et robuste, emportez mes vêtements et je passerai à la nage...".
Par delà les siècles, écrit Chastel, "Rabat gardera sa différence, son originalité, sa fierté ombrageuse. Les Moriscos, ces déracinés nostalgiques de leur patrie perdue se fondirent avec le temps dans un même creuset, l'Islam, qu'ils n'avaient jamais, malgré l'inquisition, délaissé qu'en apparence. Bons Musulmans, ils devenaient aussi de vrais Marocains, conservant leur identité culturelle".
L'auteur ajoute quelques anecdotes sur la capitale dans les derniers mois de 1912, pour "donner une idée du développement inouï de Rabat", qui compte à cette époque "environ 44.000 musulmans, 3.000 israélites et (février 1913), 1.800 Européens ou Algériens".
"Passionné de Marine, le docteur Robert Chastel, exerçant à Rabat depuis 1966 se prendra vite pour le Bouregreg d'une amitié particulière. Il recueillera les confidences de ce fleuve dépositaire de la mémoire des Villes des Deux Rives", peut-on lire dans l'épilogue de l'ouvrage.
Privilégiant l'anecdote, le vécu, poursuit le texte, "il nous livre une anthologie rare du fleuve, de la Course salétine et du passé longtemps tumultueux des sœurs jumelles, Rabat et Salé. Les voilà pétries, modelées comme glaise par SM le Roi Mohammed VI, un Souverain visionnaire".
Robert Chastel, un féru de l'histoire du Maroc, est l'auteur de plusieurs publications notamment ''Témoignages et chuchotements. Histoire de Casablanca'' (2006) et ''Une histoire d'eau-Rabat, Salé et l'Oued Bouregreg'' (2009).