1. Quel regard portez-vous sur la récente sortie du Trésor à l'international ?
La pandémie du nouveau coronavirus (covid-19) a produit des effets néfastes aussi bien sur le plan économique et financier que sur le plan social. Avec le jeu des stabilisateurs automatiques, la baisse des ressources financières publiques qui en a découlé, couplée d'une augmentation des dépenses publiques a occasionné un creusement du déficit budgétaire.
Face à cette situation, une loi relative au dépassement du plafond des emprunts extérieurs a été adoptée et une loi de finances rectificative a été mise sur pied. Selon les données de cette dernière, non seulement le solde ordinaire sera négatif mais le déficit budgétaire global dépassera les 119 milliards de dirhams (MMDH).
La crise sanitaire a également impacté négativement les réserves de changes, réserves cruciales aussi bien pour appuyer la confiance dont jouit le Maroc auprès des opérateurs internationaux que pour le financement ses opérations économiques avec le Reste du Monde.
Dans un contexte économique et financier à la fois difficile et incertain, et étant donné que l'endettement intérieur a atteint des niveaux élevés, les pouvoirs publics ont été obligés de faire appel à l'endettement extérieur dont notamment l'emprunt obligataire émis sur le marché financier international (MFI) le 24 septembre 2020 d'une valeur d'un milliard d'euros (1 Md€) en deux tranches de 500 millions d'euros (M€) chacune et sur deux maturités de 5,5 ans et de et 10 ans. Il est à noter que cette levée du Trésor à l'international a été réalisée en vue de rembourser une dette extérieure venue à échéance en octobre 2020.
2. Quel est l'impact de ce mode de financement sur les finances publiques marocaines ?
Ce recours massif aux financements extérieurs depuis le déclenchement de la crise sanitaire aura pour conséquence de faire grimper aussi bien l'endettement total du Trésor (estimé à près de 76% du PIB en 2020) que l'endettement extérieur du Trésor (évalué à 19% du PIB en 2020 contre 14% du PIB en 2019). A moyen terme, ces financements extérieurs, qu'ils soient opérés sur le MFI ou qu'ils prennent la formes d'emprunts bilatéraux ou multilatéraux, feront sans aucun doute augmenter les dépenses publiques relatives à la dette extérieure.
Ces financements permettront de couvrir le déficit budgétaire (principal instrument d'intervention publique) et de maintenir voire de renforcer les dépenses d'investissement public nécessaire à la promotion de la croissance économique.
Cependant, le remboursement de cette dette extérieure requiert sans aucun doute une efficacité de la dépense publique et une création d'une forte valeur ajoutée pouvant générer les ressources nécessaires pour honorer les engagements extérieurs du Maroc.
Il est à noter que la faible croissance économique déjà constatée avant la crise sanitaire et la croissance négative prévue (d'environ 5,8%) sont de nature à aggraver la situation des finances publiques d’autant plus que l’élasticité des recettes fiscales par rapport au PIB reste relativement faible.
3. Comment cet endettement extérieur pourrait être profitable à l'économie réelle ?
D'un côté, et dans cette situation, il faut doubler les efforts pour se conformer et le plus rapidement possible aux principes de bonne gouvernance en matière de finances publiques. Les ressources collectées sur financement extérieur doivent être utilisées rationnellement afin de produire les effets escomptés en matière de promotion de la croissance économique, seule voie pour pouvoir rembourser à terme la dette, pour réduire le ratio de l’endettement public et du trésor et pour alléger la charge en dette pour les générations futures.
De l'autre, la soutenabilité de la dette extérieure requiert des mesures visant l'amélioration du positionnement mondial du Maroc et le renforcement de son attractivité. Ce n'est qu'à travers ces mesures qu'il est possible d'augmenter les flux des IDE et des exportations marocaines, de créer les conditions propices au développement des entreprises et de renforcer la création de valeur.