Au pays des cultures kaléidoscopiques, des traditions des plus extravagantes, des chants et danses qui font langue commune pour toute une nation, les sentiments d’amour poussés à l’extrême marquant les différentes œuvres bollywoodiennes semblent puiser leur genèse dans les tendances romantiques qui n’en finissent pas de rythmer la vie des Indiens. L’histoire d’amour à l’origine de la construction du fameux Taj Mahal n'en est qu'une parmi tant d'autres.
En fait, si la grandiose mausolée du Taj Mahal illustre bel et bien l’incommensurable passion de l’empereur Shah Jahan envers sa défunte épouse Mumtaz Mahal, or la tombe d’Humayun fut, en revanche, construite grâce à l'initiative de l’impératrice Hamida Banu Begum, qui ordonna la création d'un joyau architectural en l’honneur de son mari l’empereur Humayun (1508-1556) et ce avant même que le Taj Mahal ne voie le jour.
Quoique l’Humayun’s Tomb n’attire pas le même flot de touristes qui se déverse tous les jours sur le Taj Mahal, toutefois ses visiteurs se laissent transporter par la même magie des jardins, des fontaines et des formes de l’architecture moghole, à la croisée des styles islamiques, perses et indiennes marquant le fameux Taj Mahal.
L'influence perse se voit dans les alcôves voûtées, les couloirs et le haut double dôme, tandis que les traditions indiennes ont inspiré la création des kiosques, qui lui donnent un contour pyramidal à distance.
Subjugués par la beauté saisissante de cette œuvre, les Delhiites de même que des visiteurs étrangers affluent vers le monument pour se dépayser au cœur des jardins verdoyants entourant l’édifice et s'offrent une escapade qui contraste avec la cohue et la promiscuité de Delhi.
C’est le cas de Dilawar Hafeez, qui a affirmé dans une déclaration à la MAP que ses petites virées avec la petite famille à l’Humayun's tomb sont devenues régulières en ces temps de Covid-19 qui requièrent la fréquentation de lieux offrant le maximum de distanciation sociale.
En quête de calme et de détente, cet ancien cricketeur professionnel considère que l’endroit lui semble le site le plus paisible loin de l’agitation étouffante de la mégalopole indienne, de la cacophonie des klaxons et la densité du trafic routier.
"Visiter Humayun’s tomb demeure un choix sans regret pour ceux qui n’ont pas pu se rendre au Taj Mahal", a-t-il estimé.
Situé au sud-est de Delhi, le dernier refuge de l'empereur Humayun rappelle plutôt un palais luxueux qui force l'admiration et l'émerveillement plutôt qu'un simple tombeau. L'édifice bâti par l’impératrice Banu Begum (surnommée plus tard Hajji Begum après avoir accompli le Haj) reflète son souci de perpétuer la mémoire de son mari avec un chef d’œuvre digne de la force de leur union.
"La tombe d’Humayun fut le premier édifice de cette taille à être construit en grès rouge, mais également la première tombe-jardin du sous-continent indien", confie à la MAP le directeur adjoint de l’Agence indienne de la recherche archéologique (ASI), Sanjay Singh.
Le monument funéraire est érigé sur un site de 27 hectares qui accueille d’autres sépultures mogholes du XVIe siècle dont celle de l’impératrice, enterrée près de son mari, en sus des tombes d’Isa Khan, Bu Halima, Afsarwala, la tombe du Barbier et l'ensemble de l’Arab Serai qui comprend des dizaines de tombes des artisans chargés de la construction du grand palais, fait savoir M. Singh.
La tombe et ses structures et les jardins périphériques ont pu résister aux aléas du temps, explique le responsable indien, notant que les travaux de restauration ont été minimes et privilégient l'usage de matériaux traditionnels ainsi que les outils et les techniques qui permettent de préserver l’authenticité de l’édifice.
Que ce soit le Taj Mahal ou l’Humayun’s tomb, les deux palais incarnent bel et bien la quintessence, la perfection et l’apogée d’une alliance savamment dosée faite de la magnificence de l’architecture islamo-indienne et celle de l’amour.
Deux œuvres d’art qui disent tant de l’âme humaine, des grands faits historiques et d’une civilisation qui régnait sur le sous-continent indien pendant environ trois siècles, mais aussi de deux sagas d’amour bien que révolues comme tant d’autres, leur incarnation continue de nos jours d’émerveiller le monde, ou comme disait le grand écrivain et philosophe indien, Rabindranath Tagore, "Ne pleurez jamais d'avoir perdu le soleil, les larmes vous empêcheront de voir les étoiles".