En clair, les Danois sont invités à se créer une bulle réduite d’accointances où "on doit trouver peut-être cinq ou dix personnes à fréquenter. C'est avec elles qu'on va passer l'automne. Les enfants doivent choisir des camarades dans leur classe", a prévenu Kåre Mølbak, directeur de l’Institut danois du sérum (SSI), l'agence nationale des maladies infectieuses.
"La contamination est à un haut niveau. Le nombre des hospitalisés a augmenté. L'institut sanitaire avertit que nous sommes au bord de quelque chose qui peut se transformer en deuxième vague", a pour sa part enchaîné la Première ministre, Mette Frederiksen, sur Instagram.
Pour alarmistes qu’elles puissent paraître, ces déclarations, largement relayées par la presse, n’ont fait qu’amplifier les chiffres déjà inquiétants des nouvelles contaminations au Covid-19, particulièrement auprès des jeunes.
Selon les dernières données de SSI, le Danemark a enregistré 3 486 nouvelles infections entre le 1er et le 15 septembre, portant sa moyenne hebdomadaire à 30,02 infections pour 100 000 habitants.
Dans la foulée, le gouvernement a limité, mardi dernier, à 22 heures l'horaire d’ouverture des bars et restaurants de la capitale Copenhague et de ses 16 municipalités, dans une tentative de réduire la poussée des nouvelles infections.
"Nous envoyons un message clair à toute la population : réduisez les contacts sociaux à l'automne. Si nous ne faisons rien maintenant, nous risquons d'être au bord de quelque chose qui pourrait se transformer en une autre vague", a déclaré le ministre de la Santé, Magnus Heunicke, reprenant à son compte la fameuse formule de la "bulle sociale" sans la citer.
Le taux de reproduction, qui indique le nombre de contamination au virus d’une personne à une autre, est actuellement de 1,5, au moment où le pays enchaîne avec pas moins de 300 nouvelles infections depuis des semaines déjà.
Dans ce pays nordique de 5,8 millions d'habitants, où le taux de contamination avoisine le niveau enregistré en avril dernier (le pic de la pandémie), les nouvelles mesures impliquent l’obligation du port des masques pour les clients.
La règle de fermeture de 22 heures, entrée en vigueur jeudi et qui se poursuivra jusqu’au 1er octobre, s'appliquera également aux soirées privées, les gens étant invités à ne pas organiser de fêtes ou de rassemblements privés en dehors de leur cercle d'amis très proche.
Les restrictions antérieures introduites le 7 septembre, qui incluaient un maximum de 50 personnes pour les rassemblements et obligeant les restaurants et les bars à prendre les coordonnées de leurs clients, qui devaient expirer le 22 septembre, sont également prolongées pour le Grand Copenhague jusqu'au 1er octobre.
Mais, le Danemark a-t-il vraiment raison de cibler par ces nouvelles restrictions la vie nocturne ? La réponse est plutôt mitigée, l’organisme danois de commerce des bars et restaurants Horesta estimant que les heures de fermeture anticipées coûteront à ses membres entre 100 et 200 millions de couronnes au cours des deux prochaines semaines.
Lone Simonsen, chercheuse en pandémie à l'Université de Roskilde, a cependant fait valoir que la vie nocturne, en particulier les grands événements sociaux, était précisément la chose à restreindre, soutenant que la grande erreur du Danemark a été de porter la taille du rassemblement autorisé de 50 à 100 en juillet.
"Le miracle était que nous pouvions continuer à rouvrir sans être punis. Cela n'avait pas de sens, mais avec le modèle de super-épandeur, cela a un sens profond", a-t-elle indiqué, soutenant que les grands événements sociaux doivent simplement attendre qu'il y ait un vaccin ou de meilleures options de traitement.
Comme pour justifier ces mesures particulières pour les bars et restaurants, les autorités ont mis un chiffre en avant : "Un nouveau malade sur cinq a entre 20 et 29 ans. C'est pour cela que les restrictions touchent la vie nocturne", a détaillé le ministre de la Santé.
Les restrictions qui concernent également la sphère privée, puisque les fêtes à domicile doivent dorénavant s’arrêter à 22h, n’épargnent pas le football, la jauge maximale du nombre de spectateurs étant abaissée à 500.
Covid-19 oblige, c’est le maximum autorisé. Peut-être que "la bulle sociale", tout comme le cœur, a ses raisons que la raison ne connaît point.
N’était-ce pas le philosophe danois Sören Kierkegaard (1813/1855) qui disait que "l’angoisse est le vertige de la liberté" ?