Avec le début de la saison sèche dans l’un des pays les plus riches en biodiversité, le débat houleux se renouvelle, au plan interne comme au niveau des relations internationales autour de la protection de l'environnement.
En 2019, les images des incendies gigantesques en Amazonie ont fait le tour du monde suscitant l’émoi dans les quatre coins du monde, alors que des querelles diplomatiques ont atteint leur paroxysme, notamment avec la France.
Cette année aussi, le Brésil a reconnu subir des pressions, notamment d’acteurs économiques, pour présenter les résultats des actions du gouvernement en faveur de l’environnement, sous peine de reconsidération de leurs activités et leurs investissements dans le pays sud-américain.
Le vice-président Hamilton Mourao, président du Conseil de l'Amazonie, a organisé des vidéoconférences avec des membres de ces fonds d’investissement et entreprises, assurant que plusieurs mesures ont été déjà prises et que le gouvernement œuvrera davantage dans le cadre de la lutte contre la déforestation.
Mourao a expliqué que le gouvernement a déployé 4.000 soldats des forces armées en Amazonie pour lutter contre les délits environnementaux, comme il a interdit pour 120 jours le recours aux techniques de brulage à des fins de fertilisation des terres.
En réponse aux pressions internationales, le Brésil a promis en fin de la semaine dernière d'engager les "mesures possibles" pour lutter contre la déforestation en Amazonie. "Nous serons évalués pour l'efficacité de nos actions et non pour nos intentions", a indiqué M. Mourao.
Néanmoins, le vice-président a estimé qu'"il est important d'être conscient des différends géopolitiques" et des "pressions" de certains pays qui, à son avis, perdront des espaces commerciaux si le Brésil se consolide comme "la plus grande puissance agricole du monde".
En effet, l’économie est une question prioritaire pour le gouvernement de Jair Bolsonaro, qui veut mettre toutes les chances de son côté pour une prompte reprise de la crise sanitaire au Brésil, deuxième pays le plus touché par la pandémie au monde et qui est promis à une récession historique, à environ deux ans des présidentielles, selon les institutions monétaires internationales.
Le gouvernement tente ainsi de rassurer sur la question environnementale après les chiffres alarmants publiés par l’Institut national des recherches spatiales (INPE), qui relève du ministère des Sciences et technologies.
Selon l’INPE, 2.248 foyers d'incendie ont été détectés en Amazonie brésilienne en juin dernier, le nombre le plus élevé enregistré pour ce mois depuis 2007. Au premier semestre, la déforestation dans toute l'Amazonie brésilienne a augmenté de 25% par rapport à la même période en 2019.
Quelques jours après la publication de ce rapport, le gouvernement brésilien a limogé le directeur de l'Observatoire de la Terre de l'Institut national de recherche spatiale (INPE), sans donner des précisions sur les raisons exactes de cette destitution.
Une étude publiée jeudi dernier par la revue américaine Science fait ressortir qu'un cinquième des exportations brésiliennes de soja et de viande bovine vers l'Union européenne (UE) provient de terres déboisées illégalement.
Le vice-président a reconnu que le gouvernement devra "récupérer" la capacité de contrôle des organisations officielles dédiées à la protection de l'environnement, mais rejeté les accusations de "démantèlement" des organes de protection de l’environnement. Mourao a attribué la réduction des ressources dédiées à la lutte contre la déforestation à des problèmes budgétaires "hérités", mais a assuré que le gouvernement a l'intention de "résoudre" cette situation.
Il a également indiqué que des pourparlers ont commencé avec l'Allemagne et la Norvège, qui ont suspendu leur participation à un fonds pour la protection de l'Amazonie après les incendies de l'année dernière, afin de reprendre le versement de leurs contributions dans les plus brefs délais.
D’autre part, la situation accablante a amené récemment le ministère public fédérale à exiger le départ du ministre de l'Environnement, Ricardo Salles, pour "irrégularités administratives" et pour avoir "paralysé l'application des lois environnementales et démantelé les politiques sectorielles".
La requête a été appuyée par une vidéo d'une réunion ministérielle présidée par le président, Jair Bolsonaro, en avril dernier, au cours de laquelle M. Salles aurait déclaré que "les ministères devraient profiter de la crise sanitaire liée au coronavirus pour édicter des règles sans passer par le Congrès".
Dernièrement, les membres du gouvernement ont tenu à rassurer sur l’engagement du Brésil, première puissance économique de toute la région, préoccupés en cela par les répercussions d’une éventuelle crise environnementale sur la croissance et les investissements.
Le ministre de l'Économie, Paulo Guedes, a affirmé, lui, que le Brésil a besoin de soutien et d'être compris dans le cadre de l'évaluation des actions de préservation de l'environnement, réitérant "la souveraineté du Brésil sur la région amazonienne".
M. Guedes, qui a participé à une réunion ministérielle télématique sur l'inclusion sociale, organisée par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), a indiqué que "nous avons l'Amazonie, les minéraux, la capacité de production agricole et nous avons la matrice énergétique la plus propre au monde. Personne n'a autant préservé sa propre richesse en ressources naturelles".
"Le Brésil est conscient de l'importance de préserver l'environnement, de l'importance d'une croissance durable", a-t-il souligné, ajoutant : "s'il y a des excès et s'il y a des erreurs, nous les corrigerons. Nous n'accepterons pas la déforestation et l'exploitation illégales des ressources".
Ainsi, le gouvernement brésilien tente de rassurer sur ses bonnes intentions en matière de préservation de l’environnement. Reste à savoir si les partenaires internationaux seront satisfaits des mesures du gouvernement, au moment où les chiffres préoccupent déjà, alors que la saison de sècheresse ne fait que commencer.
Le Brésil va devoir d'abord juguler les fortes réticences en Europe concernant la ratification de l'Accord de libre-échange, signé entre l'UE et les quatre pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), à cause de l'avancée de la déforestation amazonienne.