Conscient de la situation pour le moins difficile dans laquelle se trouve l’Afrique du Sud, avec une contraction sans précédent du Produit Intérieur Brut (PIB) et une hausse du chômage qui défie tous les records, Mboweni n’a eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme quant aux perspectives de ce pays compté parmi les plus industrialisés du continent africain.
La semaine dernière, l’argentier sud-africain a brossé un tableau sombre de la situation financière de son pays. Selon lui, la dette sud-africaine devra continuer à s’aggraver durant les prochaines années pour dépasser 100 pc du PIB en 2024-25 et 114 pc en 2028-29.
La dette devra attendre 80,5 pc du PIB en 2020 contre une projection de 65,6 pc publiée en février dernier. Cette tendance haussière ne donnera aucun signe de stabilisation jusqu'à 2028-29, a dit le ministre.
La loi de finances rectificative, que Mbooweni présentera devant les députés de la Nation arc-en-ciel, devra illustrer l’état de dévastation dans laquelle se trouve l’économie en raison de la pandémie du Coronavirus.
Les finances sud-africaines se sont dégradées rapidement durant la dernière décennie, en raison notamment des multiples plans de sauvetage mis en œuvre par le gouvernement pour sauver les entreprises publiques en proie à de longues années de mauvaise gouvernance.
Cette situation devra pousser, selon Mboweni, le gouvernement à sabrer les dépenses publiques pour éviter une grave crise de la dette souveraine.
Cependant, cette mesure risque de s’avérer périlleuse d’autant plus qu’elle impliquerait la perte de davantage d’emplois dans un pays où le chômage touchait presque 30 pc de la population active bien avant l’arrivée du Covid-19.
Durant les dernières semaines, les compagnies sud-africaines, bridées par la pandémie, ont continué à sabrer des milliers d’emplois. Selon certaines estimations, la crise sanitaire du Coronavirus devra pousser le chômage à des niveaux jamais égalés.
Le fléau risque fort bien d’augmenter le chômage à 50 pc de la population active, un chiffre qui donne des sueurs froides au parti du Congrès National Africain (ANC), au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994.
Par ailleurs, la crise économique qui frappe l’Afrique du Sud pose un problème idéologique pour cet ancien mouvement de libération. La formation de l’icône Nelson Mandela s’est toujours opposée au recours aux institutions multilatérales, notamment le Fonds Monétaire International (FMI), estimant qu’un tel recours risque de « porter atteinte à la souveraineté nationale ».
Selon les analystes, une telle résistance se heurte à la difficile réalité du pays, qui semble de plus en plus face à la nécessité de demander l’intervention du FMI, une intervention qui devra sans doute passer par la mise en œuvre de réformes structurelles douloureuses.
Le gouvernement sud-africain a déjà annoncé avoir demandé un prêt de 4,2 milliards de dollars à l’institution de Bretton Woods pour soutenir la lutte contre le Covid-19. Le prêteur n’a pas encore approuvé le financement.
Matthew Ocran, professeur à l’université du Cap occidental estime que l’Afrique du Sud est prise en otage par ce qu’il qualifie de « dynamiques d’économie politique ».
« Le gouvernement est parfaitement conscient de ce qu’il doit faire », indique-t-il, relevant que les résistances venant de l’aile radicale de l’ANC freinent l’élan de réformes que le pays doit enclencher dans l’espoir de sortir de sa crise.
Dans ce contexte de manque de volonté politique réelle, la marge de manœuvre du ministre des Finances demeurera « très limitée », estime l’analyste, relevant que le recours, qui semble de plus en plus inévitable, aux institutions de Bretton Woods, conduira à la mise en œuvre de réformes structurelles.
Sur ce registre, l’influente fédération des entreprises sud-africaines, Business Leadership South Africa, note que le ministre des Finances est appelé à gérer une situation délicate.
Mobweni doit trouver l’équilibre entre les pressions de l’ANC et une réalité économique qui se complique, indique Busi Mavuso, président de la fédération.
Sur un plan global, la loi de finances révisée que Mboweni présentera, montrera à quel point le gouvernement du président Cyril Ramaphosa peut aller pour honorer des engagements déjà pris de redynamiser une croissance aussi durable qu’inclusive, indiquent les analystes, soulignant que l’encouragement du secteur privé et la stimulation des investissements doivent occuper une place centrale dans le cadre de la future stratégie du gouvernement.