Cet épisode marque la réapparition des actes terroristes en terre d'Eburnie, plus de quatre ans après l'assaut perpétré en mars 2016 à Grand-Bassam, station balnéaire à 40 km d'Abidjan, qui avait visé des terrasses d'hôtels et occasionné le lourd bilan de 22 morts, dont 16 civils.
Exhalant des relents de riposte jihadiste, l'attaque de jeudi est survenue dans le même périmètre ayant abrité, en mai dernier, une opération conjointe des armées ivoirienne et burkinabé, lors de laquelle huit terroristes ont été abattus, 38 suspects alpagués et une base rasée.
"On peut tout de suite affirmer qu'il s'agit d'un acte de représailles puisque l'opération des deux armées visait à déloger les éléments terroristes et à nettoyer leurs repaires", a déclaré à la MAP, Pr. Eddie Guipié, enseignant-chercheur en sciences politiques à Abidjan.
"Il va sans dire que les terroristes ciblés ont identifié quelques failles pour agir assez rapidement, frapper et se retirer", a-t-il analysé.
Du côté du gouvernement ivoirien, le dessein de l'attaque ne compte que très peu. "Qu'il s'agisse ou non de représailles des jihadistes, l'objectif est de semer la terreur, de désorganiser l'Etat, d'imposer un modèle sociétal qui n'est pas le nôtre", a réagi le ministre de la Défense, Hamed Bakayoko.
"C'est une attaque terroriste. Nous avions des informations sur cette menace des narcotrafiquants alliés aux terroristes (...) La Côté d'Ivoire était effectivement la zone de mire", a affirmé M. Bakayoko, premier ministre par intérim, en accueillant à Abidjan les blessés évacués de Kafolo, localité où a eu lieu l'attaque.
Piqué au vif, l'Exécutif ivoirien a illico promis une riposte "rapide" et "à la mesure" de l'attaque. "Il y aura du renfort aérien et le ratissage dans les jours qui viennent permettra de neutraliser ceux qui ont fait ça", a assuré Hamed Bakayoko.
Du côté du Burkina, des sources citées par des médias ont informé que l'attaque aurait été menée vers 03H00 du matin par plusieurs dizaines d'individus armés, "certainement" des éléments du Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda.
D'après plusieurs rapports sécuritaires, la présence jihadiste à l'extrême nord ivoirien avait été signalée depuis plus d'une année. En effet, une série d'attaques avaient eu lieu près de la frontière ivoirienne du côté du Burkina. Sur le sol ivoirien, c'est la première fois depuis 2016 que les extrémiste passent à l'action.
Selon Eddie Guipié, l'attaque de Kafolo tire la sonnette d'alarme sur les velléités des jihadistes sévissant au Sahel qui veulent avancer vers les pays du Golfe de Guinée.
"La menace jihadiste n'a pas vocation à demeurer dans le Sahel, elle est universaliste par définition", a souligné l'universitaire ivoirien, ajoutant qu'il n'y pas un pays qui peut y échapper, tant qu'il présente des failles.
"C'était d'abord au Maghreb, puis dans la bande sahélo-saharienne et ensuite une projection vers les mers chaudes au Golfe de Guinée, qui est quelque part encore à l'abri de cette menace", a-t-il expliqué à la MAP.
Des indicateurs et événements récents étayent cette tendance. En mai 2019, rappelons-le, deux ressortissants français ont été enlevés dans le nord du Bénin. Aussi, de vastes espaces au nord du Ghana et du Togo sont constamment sous haute surveillance sécuritaire.