C'est comme un air de déjà vu pour les futurs partenaires qui peinent désormais à s'entendre sur les termes de leur partenariat post-Brexit, notamment en ce qui concerne le volet commercial, alors que le temps presse et que la crise du coronavirus vient poser de nouveaux défis mondiaux.
"L'horloge tourne!", ne cesse de répéter le négociateur en chef de l'UE, Michel Barnier, rappelant que la date du 31 décembre 2020 qui marque la fin de la période de transition post-Brexit sans que les deux parties puissent réaliser des progrès tangibles dans les négociations sur leur relation future.
Au terme de quatre rounds de pourparlers et de bon nombre de reproches échangés par les deux parties sur la responsabilité du blocage, le constat est sans appel pour les négociateurs européens et britanniques qui continuent à tourner en rond en raison d'importantes divergences sur différentes questions relatives à leur futur partenariat.
"Depuis le début de ces négociations, notre objectif est de progresser en parallèle sur l'ensemble des sujets de notre future relation et ces sujets sont très nombreux parce que nous avons une vraie ambition pour cette relation. (...) Mais la vérité est qu'il n'y a pas eu de progrès significatifs", a déploré M. Barnier à l'issue du 4ème cycle de discussions tenues la semaine dernière par visioconférence.
Le négociateur européen a cité quatre grands points de blocage en raison desquels les discussions s'enlisent entre Londres et Bruxelles, à savoir les règles de concurrence équitable "level playing field", la pêche, les garanties en matière de droits fondamentaux, ainsi que la gouvernance du futur partenariat UE-GB.
S'agissant de la concurrence équitable, l'UE ne cesse d'insister que le Royaume-Uni ne doit pas devenir un concurrent utilisant son autonomie pour se livrer à un "dumping" fiscal, social et réglementaire, affirmant qu'elle ne peut pas accepter un accord "à n'importe quel prix".
Sur cette question épineuse, "aucun progrès" n'a été réalisé jusqu'à présent, selon le négociateur européen qui a précisé que les deux parties n'ont même pas réussi à trouver un terrain d'entente sur des sujets qui auraient dû être plus consensuels comme les mécanismes de non-régression en matière de normes sociales et environnementales, de climat, de fiscalité ou le développement durable.
Pour ce qui est de la pêche, un autre point de discorde entre Londres et Bruxelles, M. Barnier a relevé que l'Union européenne veut lier l'accord global à des parts de quotas stables et des conditions d’accès réciproques, mais les Britanniques n'ont pas montré "une réelle volonté" d'explorer d'autres approches que celle du rattachement zonal pour le partage des quotas et continuent aussi de conditionner l'accès aux eaux à une négociation annuelle, ce qui est "techniquement impossible" pour l'UE.
Sur la gouvernance de futur partenariat UE-GB, le négociateur européen pointe des divergences sur l'objectif d'un cadre horizontal de gouvernance, avec l'établissement de liens juridiques entre les différents domaines de coopération bilatérale.
Pour ce qui est de la coopération policière et judiciaire, a-t-il ajouté, les discussions doivent se poursuivre sur la question de l'engagement envers la Convention européenne des droits de l'Homme.
Le même tableau sombre a été dressé par le négociateur britannique, David Frost, qui a également fait état de "progrès limités" dans les discussions. Il a également noté que les deux parties sont "sur le point d'atteindre les limites de ce qui peut se faire dans le format de discussions à distance", en raison de la pandémie du coronavirus, qui a également chamboulé le calendrier des négociations interrompues pendants six semaines, les négociateurs européen et britannique ayant tous deux été touchés par la maladie du coronavirus.
M. Frost a ainsi souligné la nécessité d'"intensifier et d'accélérer" les discussions afin d'arriver à "une issue positive" avant la fin de l'année.
Comme son homologue britannique, M. Barnier a insisté sur l'impératif de mettre le turbo lors des prochains cycles de pourparlers et à focaliser les efforts sur les sujets les plus délicats. Il a, par ailleurs, dit espérer que les deux délégations pourront à nouveau se réunir physiquement dans les semaines et mois à venir, afin de "gagner en efficacité".
S'il évoque la possibilité pour les deux parties de trouver un accord sur leur futur partenariat dans le courant de l'été ou au plus tard au début de l'automne, le négociateur européen n'écarte pas une extension d'un ou deux ans de la période de transition, prévue par l'accord de retrait, afin de se donner le temps de sortir de l'impasse.
Londres, qui continue de faire la sourde oreille, refusant toute prolongation de la période de transition au-delà de fin décembre, a toutefois jusu'au 30 juin pour revoir sa position.
Faute d'accord au terme de la période de transition, les échanges entre Londres et Bruxelles seraient régis par les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), érigeant brutalement de nouvelles barrières commerciales et causant d'importants coûts pour les entreprises importatrices des deux côtés et des retards aux frontières.
En plus de répercussions économiques potentielles en cas d'absence d'accord, le choc économique historique engendré par la pandémie du coronavirus pourrait bien faire pencher la balance de Londres en faveur d'une prolongation de la période de transition.
Une éventuelle extension sera au cœur d'une vidéoconférence de haut niveau, prévue le 15 juin, entre le Premier ministre britannique Boris Johnson et les présidents des trois principales institutions de l'UE, la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, le président du Parlement David Sassoli et celui du Conseil, Charles Michel.
Cette vidéoconférence sera cruciale pour dresser le bilan des négociations post-Brexit à mi-chemin et permettre à Londres et Bruxelles de se pencher sur les différents scénarios pour entamer sur de bonnes bases un nouveau chapitre de leurs histoire mouvementée.