Contrairement aux premières semaines quand la peur régnait dans tous les foyers, où les rues de Nairobi étaient presque désertes et pendant lesquelles la majorité des administrations, organisations et entreprises avaient adopté la formule de travail à domicile, la vie semble reprendre progressivement son cours normal et les gens partout au Kenya cherchent à gagner leur vie alors que l'économie du pays continue de s'effondrer.
Les marchés et les grandes surfaces sont maintenant ouverts et pleins de clients de tout âge qui ne montrent aucune peur de la pandémie coronavirus qui a pourtant tué 64 patients depuis la déclaration du premier cas dans le pays, le 13 mars dernier.
Une simple tournée dans les marchés et les avenues de la capitale Nairobi suffit de constater de visu que la population commence à s'adapter à vivre avec cet ennemi invisible. Même les personnes identifiées comme les plus vulnérables à la maladie comme les personnes âgées sont là partout ailleurs.
Mme Elizabeth Obonyo, une femme de 62 ans vendeuse de légumes dans un marché de la capitale, fait partie de ces personnes combien nombreuses qui ont fait la paix avec la menace et sont retournées à leur métier.
"Je suis contrainte de reprendre mes activités pour subvenir aux besoins urgents de ma famille. Le gouvernement veut nous voir toujours à l'intérieur de nos foyers, mais il ne nous fournit pas les produits de première nécessité", a déclaré à la MAP cette mère de quatre enfants.
"J'ai pas peur du virus qui ne m'empêche pas de sortir pour chercher de quoi faire vivre sa famille, alors que je prends toutes mes précautions avec le port des masques et le lavage des mains".
Ce constat de fait généré par une circonstance économique morose et la nécessité de la majorité des foyer à subvenir à leurs besoins quotidiens, a toutefois suscité les craintes des spécialistes qui avertissent que "le retour à la normale est venue trop tôt", arguant que le pire reste à venir sachant que le ministère de la Santé a prévu que le nombre de cas positifs atteindrait un pic durant la période juillet-août.
La conjoncture économique difficile, la méfiance à l'égard des statistiques quotidiennes du gouvernement sur la maladie et les quelques décès enregistrés parmi les cas positifs ainsi que l'insouciance de certains sont quelques-unes des raisons avancées par les experts pour expliquer cette reprise "précoce et irréfléchie" de la vie au Kenya.
Le Dr Mary Nyamongo, spécialiste des sciences sociales, a souligné, dans des déclarations relayées par les médias kényans, que "la population avait acquis un faux sentiment de sécurité en constatant que bien que le nombre de cas positifs augmente, seuls quelques-uns meurent".
"Nous commençons dangereusement à normaliser la maladie et à prendre des mesures préventives pour acquis. Les gens ne portent des masques que pour éviter les arrestations et non pour se protéger et protéger autrui. Ces comportements montrent que les gens ont commencé à douter de la gravité de la maladie", a mis en garde la spécialiste.
Le Kenya qui n'impose pas de confinement a pris toutefois des mesures proactives pour juguler la propagation du nouveau Coronavirus. Outre le verrouillage du quartier Eastleigh à Nairobi et de la vieille ville à Mombasa, deux zones connues pour une grande prévalence des cas confirmés de Covid-19, le gouvernement a aussi instauré un couvre-feu nocturne (de 19h00 à 05h00) et interdit les déplacements entre-villes sauf pour le transport de marchandises.
Le Kenya a cumulé à la date du dimanche 78.537 tests Covid-19, qui ont donné lieu à 1962 cas confirmés, dont 474 guérisons et 64 décès, selon un bilan officiel annoncé par le ministère de la santé.