L'Europe, première destination touristique mondiale avec 40% des arrivées internationales, pâtit plus particulièrement de cette crise d'envergure historique.
Véritable moteur de l'économie européenne, avec 10% du PIB de l'UE, 27 millions d'emplois et 2,4 millions d’entreprises, le tourisme, a été carrément mis à l'arrêt dans les Etats membres qui ont accusé des pertes colossales se chiffrant à plusieurs milliards d'euros.
Il s'agit également de près de 6 millions d'emplois perdus pour le secteur touristique dans l'UE et d'une chute vertigineuse des recettes (85% pour les hôtels, restaurants et pour les voyagistes et 90% pour les compagnies aériennes et les croisières).
Alors que l'été, saison cruciale pour le tourisme européen, s'approche à grands pas, l'UE veut pourtant croire que tout n'est pas perdu.
Dans ce sens, la Commission européenne a dévoilé il y a quelques jours une série de recommandations émises aux États membres pour empêcher un naufrage du secteur touristique et sauver la saison estivale durant laquelle les résidents de l'UE effectuent en moyenne 385 millions de voyages touristiques et dépensent pas moins de 190 milliards d'euros.
Pour ce faire, l'exécutif européen préconise notamment une levée progressive des restrictions en matière de voyages entre les États membres tout en respectant les précautions sanitaires nécessaires afin d'éviter une seconde vague épidémique.
Si elle reconnait que la liberté de circulation et les déplacements transfrontières sont essentiels pour le tourisme, la Commission insiste, toutefois, sur "une approche progressive et coordonnée" pour la réouverture des frontières, débutant par la levée des contrôles entre les régions ou les États membres qui présentent une situation épidémiologique suffisamment similaire.
Toutefois, les appels de la Commission semblent ne pas avoir trouvé écho auprès des États membres qui abordent la levée des restrictions de déplacement et de voyage en ordre dispersé.
Après plus de deux mois de fermeture, les pays de l'UE annoncent peu à peu la réouverture de leurs frontières chacun à son rythme et sans coordination aucune.
L'Italie, un des pays les plus endeuillés par la pandémie en Europe, a ouvert le bal en annonçant la réouverture de ses frontières et de ses aéroports à partir du 3 juin aux touristes de l’Union européenne tout en annulant la quarantaine obligatoire.
Cette décision que d'aucuns jugent précipitée et surprenante peut s'expliquer par le poids économique du tourisme en Italie (13% du PIB) et par les craintes d'un effondrement total en raison d'une saison estivale perdue.
Suivant la même logique, d'autres pays européens ont vite emboîté le pays à l'Italie. La Grèce, qui avait initialement prévu d’accueillir des touristes à partir du 1er juillet, a décidé finalement de lancer sa saison touristique le 15 juin.
L'Espagne, qui avance très prudemment dans son processus de déconfinement, a annoncé, pour sa part, l'ouverture du pays aux touristes étrangers à partir du 1er juillet sans restrictions, afin de donner une bouffé d'oxygène à un secteur clé pour son économie minée par la crise du coronavirus.
La République Tchèque a quant à elle ouvert mardi ses postes-frontières avec l'Autriche et l'Allemagne, tout en exigeant à l'entrée du territoire des tests Covid-19 négatifs.
Pour ce qui est des trois pays baltes, la Lettonie, l'Estonie et la Lituanie, ils ont déjà ouvert leurs frontières communes depuis le 15 mai sans quarantaine obligatoire, créant la première "bulle de voyage" de l'Union européenne.
Si ces annonces réjouissent les professionnels du secteur touristique, elles en disent long sur le manque de coordination et de d'homogénéité entre les États membres.
Plusieurs pays comme la France se sont montrés critiques envers ce désordre, appelant à davantage de coordination entre les États membres. "Il faut travailler avec les pays frontaliers, entre Européens pour éviter d'avoir une Europe à plusieurs vitesses", a insisté le secrétaire d'Etats français aux Affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, notant que l'objectif pour Paris, est une réouverture des frontières intérieures de l'UE à partir du 15 juin.
Les ministres européens du Tourisme, réunis la semaine dernière par visioconférence, ont pu constater également l'ampleur des divisions entre les États membres sur la réouverture des frontières et la mise en œuvre des recommandations de la Commission pour la relance du tourisme en Europe.
"Nous n’avons pas arrêté une position unique. Cela dépendra de la situation épidémiologique dans les différents pays", a relevé le ministre croate du Tourisme, Gari Capelli, à l'issue de cette réunion.
Le ministre a, toutefois, évoqué des accords bilatéraux entre les États dont la situation épidémiologique est similaire comme une solution pour accélérer la relance touristique de l'UE.
Selon lui, la piste des accords bilatéraux, où deux États membres négocieront entre eux l’accueil de leurs ressortissants, semble "être la démarche à suivre".
Pour rétablir les services touristiques en toute sécurité comme l'entendent les États membres, la Commission européenne recommande aussi la mise en place de protocoles sanitaires communs pour les hôtels et d’autres formes d’hébergement, afin de protéger la santé des clients et des travailleurs. Ces critères comprennent notamment des données épidémiologiques, la présence d’un système de soins de santé doté de capacités suffisantes pour les habitants et les touristes, ainsi que des capacités suffisantes en matière de surveillance et de suivi, de dépistage et de traçage des contacts.
Relancer l'activité touristique tout en évitant la résurgence de l'épidémie, c'est le difficile équilibre à trouver pour les États membres de l'UE qui peinent à accorder leurs violons pour arrêter une position commune sur la réouverture des frontières et la levée des restrictions de voyage.