Les chapitres 2 à 4 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde, publiés récemment par le FMI, mettent l’accent sur trois points faibles potentiels : les segments à risque des marchés mondiaux du crédit, les pays émergents et le secteur bancaire, relèvent Tobias Adrian et Fabio Natalucci, notant que si la contraction actuelle de l’économie durait plus longtemps ou s’ancrait davantage qu’escompté aujourd’hui, le resserrement des conditions financières qui s’en suivrait pourrait être amplifié par ces facteurs, entraînant une plus grande instabilité, voire une nouvelle crise financière.
Les segments à risque des marchés de crédit ont connu une expansion rapide depuis la crise financière mondiale. La dégradation de la qualité du crédit des emprunteurs, le relâchement des normes de souscription, les risques de liquidité dans les fonds d’investissement et les interconnexions accrues constituent autant de facteurs de fragilité potentiels.
S’agissant des pays émergents, depuis le début de la pandémie ils ont enregistré des sorties de capitaux de plus de 100 milliards de dollars, soit près du double (par rapport au PIB) des sorties observées lors de la crise financière mondiale. Ces mouvements se sont atténués depuis, mais leur soudaineté souligne les difficultés qu’il y a à gérer la volatilité des flux d’investissements de portefeuille et les risques que celle-ci peut faire peser sur la stabilité financière, selon l’analyse.
Les pays émergents devraient gérer ces pressions extérieures en laissant leur taux de change se déprécier. Si les fluctuations du taux de change deviennent chaotiques, les autorités devraient envisager d’intervenir sur les marchés des changes, recommandent les deux experts. Elles devront peut-être aussi appliquer des mesures temporaires de gestion des flux de capitaux en cas de sorties massives. Les gestionnaires de la dette souveraine doivent se préparer à des perturbations du financement à plus long terme en mettant en place des plans d’urgence pour faire face à un accès restreint au financement extérieur.
Pour ce qui est du secteur bancaire, les deux experts estiment que la rentabilité est un problème persistant pour les banques de plusieurs pays avancés depuis la crise financière mondiale.
Bien qu’une politique monétaire très accommodante ait été essentielle pour maintenir la croissance économique durant cette période, soutenant les bénéfices des banques, le niveau extrêmement faible des taux d’intérêt a aussi comprimé les marges d’intérêt nettes des banques (à savoir la différence entre l’intérêt perçu sur l’actif et l’intérêt payé sur le passif). Selon notre analyse, en plus des difficultés immédiates que pose la flambée de COVID-19, la persistance de faibles taux d’intérêt sur une longue période risque de peser encore davantage sur la rentabilité des banques à moyen terme, soutiennent les analystes.
La bonne santé des banques joue un rôle clé dans toute économie dynamique et elle est indispensable à la stabilité financière. Quand elles ne sont pas en mesure de réaliser des bénéfices, les banques sont moins enclines à fournir des prêts et d’autres services financiers aux particuliers et aux entreprises, privant ainsi l’économie de crédits pourtant nécessaires, ajoutent-ils.
Au cours des prochaines années, les experts du FMI recommandent aux autorités de s’attaquer à certains des problèmes d’ordre "structurel" que rencontrent les banques. Par exemple, les autorités responsables du secteur financier devraient tenir compte des incidences potentielles des faibles taux d’intérêt lorsqu’elles prennent des décisions et évaluent les risques.
Les activités de contrôle relatives à la programmation des fonds propres et aux tests de résistance devraient comporter des scénarios envisageant des taux qui restent plus bas plus longtemps, et évaluer la solidité des modèles commerciaux sous cet angle.
Les autorités de contrôle doivent également se montrer vigilantes et prévenir toute accumulation de risques excessifs qui pourraient nuire à la résilience du secteur bancaire.