En dépit de cette conjoncture exceptionnelle marquée par l’instauration de l’état d’urgence sanitaire pour faire face au coronavirus, les citoyens de la perle du Sud ont dû compter avec cette réalité du confinement et de la distanciation sociale, pour repenser leurs pratiques et accommoder certains de leurs rituels spirituels en particulier, de façon à se conformer aux mesures barrières instaurées et à vivre différemment ce mois sacré.
Une situation assez déconcertante, qui a astreint les habitants de Dakhla à revoir leurs rituels et à passer chez eux les soirées ramadanesques dans une ambiance conviviale, pour échanger autour du vécu quotidien, et se permettre quelques instants de détente pour proposer mutuellement des devinettes ou suivre la narration de contes tirés de la culture populaire authentique.
En effet, les Dakhlaouis ont banni de leur agenda, en ce mois de bénédictions, les rencontres familiales et les échanges de visites entre amis et proches, en s’attachant pleinement à préserver leurs rituels, en particulier la tradition du thé chez soi, en plus des traditions à vocation culturelle liées à la poésie hassanie et la poésie improvisée, en plus des jeux de société et ce, dans un cadre chaleureux et convivial, plein de détente et de partage.
Par ailleurs, plusieurs activités et concours religieux et culturels à distance ont été organisés durant ce mois béni, par le recours aux technologies modernes et aux réseaux sociaux en matière d’orientation et d’encadrement religieux et ce, dans le but d’assurer la continuité de la communication avec les citoyens et de les conscientiser quant à plusieurs questions liées à la religion.
Si l’absence de l’ambiance religieuse et spirituelle est semblable un peu partout sur l’ensemble du territoire national, les traditions culinaires liées à ce mois béni diffèrent, elles, d’une région à l’autre et ce, compte tenu des spécificités culturelles, civilisationnelles, patrimoniales, et géographiques inhérentes à chaque région.
Ainsi, la ville de Dakhla, métropole de la province d’Oued Eddahab, a le mérite de se distinguer par des traditions culinaires et des mets succulents tout aussi singuliers que variés. Une illustration éloquente de la diversité de tout un legs civilisationnel et social de la région que chaque génération tente jalousement de préserver, de promouvoir et de transmettre à celles montantes.
Dans une déclaration à la MAP, Saadia, femme de foyer, a fait savoir que ”le thé, le lait, les dattes et les viandes demeurent parmi les composantes essentielles de la table de la rupture du jeûne durant le mois sacré de Ramadan au niveau de la province d’Oued Eddahab”, insistant sur l’importance qu’accordent les familles sahraouies à la préparation des mets et à l’achat de tous les ingrédients nécessaires pour que la table du Ftour soit complète.
Elle a également fait savoir que le thé sahraoui figure au premier rang des priorités des familles locales et que tout le rituel de la table du Ftour s’articule autour de ce qu’on appelle ”Mawaiin Atay”, étant donné que la préparation du thé commence avant l’appel à la prière du Maghrib pour que cette boisson soit prête à la rupture du jeûne et servie avec des dattes et ”Zrig Lben”, une boisson préparée à base de lait, de petit lait de chamelle ou de chèvre et d’eau, avec ajout de sucre avant qu’elle ne soit présentée dans un récipient appelé “Al Guedha”.
Par la suite, on veille à servir le Tajine qui n’a rien à avoir avec ce qu’on sert dans d’autres régions du Royaume, puisque le Tajine sahraoui est préparé avec de la viande ”Al Falka” (chameau) et de la viande ”Afachay” (mouton), en plus d’un plat de ”Ncha” (Amidon) préparé à base d’orge et d’un peu de sel pour être servi dans un plat en bois, a-t-elle poursuivi.
La table de la rupture du jeûne compte aussi un autre plat appelé “Laglou”, à base d’orge mélangé à une poignée de sable pour être cuit sur les braises avec l’utilisation d’un récipient en argile dédié à cette fin, a-t-elle noté, expliquant qu’une fois les graines d’orge muries, elles sont séparées du sable pour être servies avec du beurre ou du “smen”.
Elle a cité, en outre, la disparition du pain dit ”Al Fattir” préparé à base de farine d’orge et d’eau sans sel ni levure, et cuit à la manière traditionnelle à travers son emplacement dans un trou de sable avant d’être couvert de braises pour être servi, par la suite, avec une sauce et de la viande cameline.
La table du Ftour dans les provinces du Sud se distingue aussi par un autre délice de la cuisine locale appelé ”Marou viande” préparé à base de viande cameline dans une jarre spéciale, avec de l’huile, du sel et de l’eau, auxquels on ajoute du riz avant de le servir dans une grande assiette.
La société locale n’a eu de cesse de connaitre des mutations socio-économiques accélérés ayant conduit à un changement du mode de vie, dans le sens où à l’heure actuelle, la majorité des familles locales mélangent leurs traditions et leurs plats ramadanesques originaux, lesquels tentent de résister à ce changement de goûts, avec d’autres mets et recettes et à leur tête “Chebakiya” et ”Slilou” entre autres.
In fine, les traditions culinaires et les habitudes alimentaires de la population de Dakhla, comme des autres provinces du Sud du Maroc, demeurent ce beau témoin de l’histoire et de la civilisation tout aussi riche que distinguée de cette partie du territoire national et illustrent leur attachement aux traditions et coutumes, ainsi qu’aux valeurs de solidarité et de partage qui caractérisent ce mois sacré.