1- Quelle est l’ampleur des impacts socio-économiques de la crise sanitaire sur l’économie marocaine après deux mois de confinement?
Il faut souligner que l’ampleur des impacts socio-économiques de la crise sanitaire ne peut être connue avec précision. Mais il est certain que la baisse de la demande qui en a résulté aura des répercussions notables sur tous les compartiments de l’économie nationale et sur le taux de chômage.
L’importance des impacts de la crise sanitaire dépend globalement de trois grands facteurs : la durée du confinement, les régions du Royaume les plus touchées par la pandémie et le temps nécessaire pour un retour au rythme normal de l’activité économique.
Il est à noter que les régions les plus touchées par cette crise sont celles qui représentent les trois quarts de la richesse produite et de la consommation finale des ménages réalisée (Casablanca-Settat, Fès-Meknès, Marrakech-Safi, Rabat-Salé-Kénitra, Tanger-Tétouan-Al Hoceima).
Après deux mois de confinement et selon les statistiques produites depuis le 16 mars 2020, les impacts semblent prendre de l’ampleur sur fond d’incertitude. Les effets socio-économiques ressentis diffèrent d’une branche d’activité à l’autre et concernent aussi bien les variables internes que les relations économiques avec le reste du monde.
Sur le plan sectoriel, la crise sanitaire a entraîné un repli voire un arrêt total d’un ensemble varié d’activités économiques. Il s’agit principalement du tourisme (avec ses effets directs, indirects et induits), du transport routier, ferroviaire et aérien, des activités de l’industrie agroalimentaire, du textile, habillement et cuir, de l’immobilier, de l’offshoring, etc.
Le repli et/ou l’arrêt des activités économiques se sont répercutés négativement sur les principales grandeurs macroéconomiques. Avec le prolongement du confinement le 20 avril 2020 et la baisse de la demande qui en a découlé, surtout la demande de consommation, la création de richesse a subi un impact considérable. Ainsi, la croissance économique afficherait un taux de -8,9% pour le deuxième trimestre de 2020 au lieu de -3,8% prévu au début d’avril 2020, soit une perte de près de 30 milliards de dirhams en PIB. Les activités non-agricoles seront les plus touchées.
La baisse des revenus associée à cette conjoncture exceptionnelle va certainement produire un impact négatif sur l’épargne des ménages, épargne nécessaire pour couvrir les besoins de financement en matière de formation brute du capital.
Une autre grandeur non moins importante en matière de performance macroéconomique est le solde des relations avec le reste du Monde. Ce solde a subi les effets conjugués de la baisse des exportations, des investissements directs étrangers, des transferts des MRE et des recettes du tourisme.
Sur le plan monétaire et bancaire, le report des échéances de crédits des ménages touchés par la crise associé aux retraits massifs du cash par les agents économiques ont entraîné un accroissement apparent des besoins des banques en liquidités.
Concernant le marché financier marocain, la Bourse de Casablanca a enregistré l’une des plus faibles performances de son histoire aussi bien au niveau des indices boursiers (-20% environ) qu’au niveau de la capitalisation boursière (la perte est estimée à plus de 140 milliards de dirhams entre fin février 2020 et 15 mai 2020).
Au niveau des finances publiques et selon les statistiques relatives au mois d’avril 2020, la situation semble être normale voire meilleure par rapport à la même période de l’année précédente. C’est que le besoin de financement du Trésor a affiché une baisse comparativement à celui enregistré un an auparavant, et ce sous l’effet combiné d’un accroissement des recettes ordinaires (renforcées par les recettes du Fonds de gestion Covid19) supérieur à celui des charges du Trésor.
2- Quelles mesures prioritaires convient-il de prendre pour relancer l’économie marocaine ?
Il est important de souligner que les autorités publiques ont déjà initié des mesures à travers le Comité de Veille Économique. Ce sont ces mesures qu’il faut renforcer pour pouvoir relancer la machine économique.
D’un côté, l’action de l’État doit se baser sur les finances publiques via un appui par les dépenses et les recettes publiques. Une Loi de finances rectificative doit être conçue et adaptée en fonction des impacts socioéconomiques constatés. Les instruments budgétaires doivent être orientés vers les secteurs qui ont subi les conséquences de la crise sanitaire. L’outil de taille reste l’action par la commande publique en maintenant le niveau des investissements publics (de l’État, des collectivités territoriales et des établissements et entreprises publics) prévu par la loi de finances 2020, soit 198 milliards de dirhams. Des mesures fiscales appropriées sont également à définir et à mettre en œuvre en faveur des secteurs sinistrés.
De l’autre, les interventions de Bank-Al Maghrib à travers les injections de liquidités dans le système bancaire et l’application de taux d’intérêt préférentiels pour les secteurs gravement touchés s’avèrent déterminantes pour la sortie de la crise économique.
C’est par la combinaison de ces deux grandes catégories d’interventions que l’économie nationale peut surmonter efficacement cette crise et retrouver son niveau de fonctionnement normal.
3- A quelles conditions les mesures prises peuvent-elles permettre une reprise rapide de l’économie marocaine ?
Le redémarrage et la reprise de l’activité économique dépendent de la conjugaison d’une série de facteurs. Le retour à la normale sera principalement lié au degré de maîtrise de la pandémie du Coronavirus, mais aussi de l’efficacité des mesures monétaires et budgétaires mises en œuvre.
La réaction des agents économiques au déconfinement potentiel et donc leur confiance envers les mesures sanitaires et préventives accompagnant cette opération s’avère primordiale pour une reprise économique rapide. Cette réaction conditionnera certainement le comportement économique des agents, aussi bien en termes de consommation que d’investissement.
Le délai de reprise de l’activité au Maroc est tributaire de la situation économique des pays partenaires dans les prochains mois et des prévisions pour les prochaines années.
Il est à rappeler que selon la Banque Mondiale, l’économie marocaine peut retrouver le sentier de croissance en 2021.