Cette année, Ramadan a toutefois un goût différent. Coïncidant avec le confinement sanitaire, les restrictions de mobilité et l’interdiction des rassemblements, une seule option s’offrait aux créateurs et intellectuels de la cité Idrisside : Créer des espaces virtuels au sein même de la maison, de la chambre. Laisser couler le temps en lisant un livre, regardant un film ou écoutant un morceau de musique, pour garder une fenêtre ouverte sur le monde.
‘’Je ne dirais pas que le confinement sanitaire m’a donné plus de temps pour lire et écrire. En restant chez moi, j’ai pu surtout me plonger dans mes feuilles, mes dossiers et sujets que je ne cessai d’ajourner. J’ai enfin trouvé du temps à consacrer aux affaires suspendues. J’ai pu ainsi prendre soin de certains textes et me débarrasser définitivement d’autres’’, confie à la MAP le poète Abdeslam El Moussaoui.
Cette période de confinement lui a permis de saisir au clavier tous les projets qu’il avait couchés sur papier. ‘’Adepte de la vielle école, je continue d’écrire d’abord sur feuille. C’est ainsi que je travaille. Ce n’est qu’au moment où mes textes murissent que je les saisis sur mon ordinateur et les prépare pour publication’’.
L’auteur du recueil ‘’mélodie militaire pour une chanson sentimentale’’ poursuit que le confinement lui a offert l’opportunité de satisfaire ses goûts artistiques. ‘’J’ai pu regarder des films marocains que proposent le centre cinématographique marocain sur son site internet, ainsi que d’autres longs-métrages étrangers. Le cinéma est un magnifique passe-temps, surtout si on fait le bon choix. C’est pour ça que je demande toujours leur avis aux amis cinéastes’’.
Il dit aussi avoir sauté sur les opportunités offertes par des bibliothèques et plateformes numériques internationales qui proposent gratuitement aux lecteurs, en ces temps de pandémie, des livres, romans, études et recueils.
En dépit de toutes ces tribunes ouvertes sur la culture et l’art, le contexte sanitaire, la terreur qui l’accompagne et l’avalanche de matières audiovisuelles et celles publiées sur les réseaux sociaux, ont fini par avoir une influence sur la vision du poète sur la vie et l’existence.
Il espère que les idées qui traversent son esprit et son âme murissent pour qu’il puisse les convertir en textes à l’avenir. ‘’Les expériences de la vie ne s’écrivent pas à l’instant où elles se produisent, mais doivent interagir avec les références enfouies dans le conscient et l’inconscient. Celui qui crée aujourd’hui un poème sur le Coronavirus se met dans une situation de clown ni plus ni moins’’, tranche-t-il.
Pour le romancier et critique Jamal Boutayeb, le mois sacré demeure ‘’une occasion annuelle pour élever la cadence de travail et assurer une meilleure gestion des projets culturels, même à petite échelle’’.
Cette année, Ramadan, qui coïncide avec le confinement sanitaire, offre encore plus d’espace temporel, en raison de l’annulation de certaines habitudes, notamment nocturnes.
Outre ses occupations académiques et d’enseignement à distance, la lecture reste pour le président de la fondation ‘’Approches’’ une issue et un refuge. Il dit trouver un plaisir à lire ou relire certains livres, parachever des projets ouverts ou reportés. ‘’Depuis chez-moi, je continue à m’activer en participant aux activités culturelles à distance, répondant aux invitations des médias ou me penchant sur des projets périodiques, dont les revues +Approches+ et +Iqra’+’’.
Il y en a, par contre, ceux et celles pour qui le contexte actuel de la crise sanitaire ne favorise pas l’exercice de l’activité créative habituelle. C’est le cas de la poétesse Amina Lamrini, qui a l’habitude d’arrêter l’écriture durant le mois de Ramadan, même si ce mois lui sert de méditation et de ‘’stockage’’ des éléments qui constitueraient plus tard une matière à créer et écrire.
En effet, l’effort quotidien qu’elle fournit pour assurer ses cours à distance ‘’l’épuise’’, ne lui offre point de répit pour exercer une activité culturelle.
Amina Lamrini semble nostalgique aux temps des rencontres culturelles célébrées les soirées de Ramadan, et qui réunissaient des hommes de lettre, des critiques et des universitaires de divers horizons. Elle retrouve tout de même dans le contexte actuel un espace de contemplation du monde et de l’être humain. Le jour venu, elle ne manquera pas de s’en servir dans ses créations poétiques.