Suite à l'annonce de l'état d'urgence sanitaire, les magasins et les commerces du complexe d'artisanat situé au centre-ville et dans les différentes rues et quartiers de l'ancienne médina, notamment le Mellah, Souika, Kharatin et Haddadin, ont fermés et les artisans ont volontairement décidé de suspendre la production dans le cadre des mesures visant à lutter contre la propagation du nouveau coronavirus.
À Ouezzane, ce sont entre 6.000 et 8.000 artisans qui oeuvrent dans diverses métiers, tels que le tissage, la couture, le cuir et le bois, pratiqués au Maroc depuis des siècles. Mais l'activité artisanale principale de la province reste le tissage de la laine et le produit phare est la djellaba ouezzania.
Dans une déclaration à la MAP, le troisième vice-président de la Chambre d'artisanat de la région de Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Alaeddine Cherkaoui, a expliqué que la ville, connue pour son savoir-faire et son histoire dans l'artisanat, a vu son économie locale affectée par cette pandémie.
Depuis l'annonce de l'état d'urgence sanitaire, les artisans ont adhéré aux mesures préventives et se sont engagés dans la lutte contre le coronavirus, a-t-il relevé.
Cependant, le respect des mesures sanitaires n'est pas sans conséquences. "Le confinement a naturellement impacté l'activité artisanale locale", a souligné M. Cherkaoui, notant que même avant la pandémie, les artisans de la ville souffraient d'un déclin de l'activité économique et d'une baisse du chiffre d'affaire en raison notamment de la sécheresse.
Ainsi, "Souk Hayek" et la majorité des commerces situés dans la "Souika", spécialisés dans la vente de tissus et de la djellaba ouezzania sont fermés au public jusqu'à nouvel ordre. Autrefois fortement fréquentés par les visiteurs et les commerçants, ces espaces ne voient passer aujourd'hui que de rares personnes qui viennent se procurer les produits de consommation nécessaires, notamment pour ce mois du Ramadan, avant de rentrer chez elles à la hâte.
Noureddine El Nouali, propriétaire d'une échoppe spécialisée dans la djellaba ouezzania à Souk El Hayek, a affirmé que la pandémie a considérablement affecté le secteur avec la fermeture de magasins d'artisanat et de plusieurs points de ventes, ajoutant que les transactions ont diminué quasiment de 100%, étant donné que les commerçants de la djellaba vendent aux visiteurs et touristes, ce qui n'est plus possible depuis l'interdiction de la circulation entre les villes.
Plusieurs métiers sont impliqués dans la couture traditionnelle de la djellaba : la préparation de la laine, sa filature et son tissage, la vente aux commerçants puis au client qui choisit la coupe et le motif avant de passer à la couture.
Le début de propagation de la pandémie du coronavirus avait coïncidé avec l'approche du mois de Ramadan, une période qui connait habituellement une forte demande pour les habits traditionnels comme la djellaba ouezzania et autres vêtements prisés lors des fêtes religieuses.
La préparation du produit, dont la demande augmente pendant le mois du Ramadan, nécessite la contribution de plusieurs artisans, un circuit auquel la pandémie a mis un coup d'arrêt, affectant principalement les commerçants et artisans de la djellaba ouezzania, a expliqué M. El Nouali.
De son côté, M. Cherkaoui a relevé que le revenu des artisans a considérablement diminué depuis le début du confinement, alors qu'il sont tenus de payer loyers et factures et subvenir aux besoins de leurs familles.
A cet égard, il s'est félicité de la création du Fonds de gestion de la pandémie du Coronavirus, qui a permis d'allouer des aides financières, y compris aux artisans Ramedistes et non-Ramedistes opérant dans l'informel, ce qui contribue à atténuer l'impact socio-économique de cette pandémie sur le secteur de l'artisanat, relevant toutefois que les contraintes auxquelles font face les artisans restent de taille, puisque beaucoup d'entre eux ont à charge des proches, dans le cadre de l'entraide familiale.
Solidarité et entraide, telles ont été les caractéristiques du secteur artisanal de cette ville pendant des siècles. Ces valeurs, transmises de père en fils, restent d'actualité dans une époque où la pandémie du Covid-19 a redessiné les contours des rapports professionnels et sociaux, sous le signe de la distanciation sociale.